Réponse au préfet des Hauts-de-Seine sur le possible report des élections régionales et départementales 2021

Le 9 avril, le Gouvernement a sollicité les préfets de France afin qu’ils consultent les maires de leur département pour émettre leur avis sur le maintien des deux scrutins prévus en juin 2021.

Monsieur le Préfet,

Vous avez bien voulu relayer le message du Gouvernement aux maires concernant les élections départementales et régionales de juin prochain, et je vous en remercie.

Le Gouvernement a fixé une méthode pour éclairer sa décision : recueil de l’avis du Conseil scientifique, consultation des responsables des groupes parlementaires, des partis politiques et des associations d’élus. C’est ce qui a été fait. Brusquement, la méthode change… j’en prends acte.

Il convient en premier lieu de rappeler que, lorsqu’ils organisent les opérations électorales, les maires le font au nom de l’Etat et donc, selon les instructions du Gouvernement. En aucun cas, il ne peut appartenir aux maires, dans leur fonction de représentant de l’Etat, de porter une quelconque appréciation sur l’opportunité ou pas de maintenir ou de décaler des opérations électorales prévues par la loi. Cette appréciation, et la décision, qui en résulte, relève de la seule responsabilité du Gouvernement et du Parlement, lorsqu’il est saisi par le Gouvernement.

C’est pourquoi j’estime que la question est mal posée. Il n’aurait pas dû s’agir de demander aux maires « si les conditions préconisées par le comité scientifique leur semblent réunies pour tenir les deux scrutins prévus en juin prochain ». Ainsi posée, la question est d’ailleurs profondément anxiogène et ne peut que susciter des réponses négatives, surtout si, ici ou là, d’aucuns suggèrent que les maires porteraient personnellement la responsabilité de difficultés sanitaires qui viendraient à survenir à l’occasion de ces élections. La question aurait dû être bien plus opérationnelle et porter sur « ce qu’il conviendrait de faire en terme d’organisation matérielle du scrutin pour que ces conditions soient effectivement réunies ». Je regrette donc que cette question n’ait pas été posée ainsi et, davantage encore, que les propositions qui ont été formulées par les associations d’élus et le Sénat (comme par exemple une plus grande mutualisation des deux bureaux de vote puisqu’il a double scrutin) n’aient pas été retenues.

Quoiqu’il en soit, dans notre République, les maires sont profondément légitimistes. Quoiqu’ils puissent en penser par ailleurs, ils appliqueront les consignes du Gouvernement et organiseront les élections selon ses prescriptions, qui, encore un fois, relèvent de sa seule responsabilité.

Mais les maires sont aussi des élus, porteurs d’une légitimité démocratique qui leur a été délivrée ou renouvelée par les élections de 2020, et des citoyens. A ce double titre, j’estime donc que la décision de reporter encore ces élections constituerait une grave entorse au fonctionnement d’une démocratie adulte et responsable, et que cette décision serait porteuse de risque de dérives dangereuses. Une fois que les limites sont franchies, il n’y plus de limite. Le calendrier électoral, déjà beaucoup trop malmené dans notre pays depuis de nombreuses années, ne peut naturellement pas servir de variable d’ajustement ni à la crise sanitaire, ni aux intérêts de tel ou tel mouvement politique. Le calendrier électoral doit être intangible, ce sont les conditions d’organisation qui doivent d’adapter aux circonstances sanitaires. C’est du reste ainsi que cela se passe dans la quasi-totalité des pays démocratiques (13 scrutins ont eu lieu ou vont avoir lieu cette année en Europe…). Cette intransigeance sur le maintien du calendrier électoral constitue pour moi l’un des fondements essentiels de mon engagement républicain. 

C’est donc d’abord pour cette raison de fond qu’à la question posée, qui encore une fois ne me semble pas être la bonne, je réponds « oui », et que je suis prêt, au nom de ce que j’estime être mon devoir d’élu républicain, à en assumer toutes les conséquences. Y compris celles qui résulteraient de règles d’organisation – fixées par l’Etat – insuffisamment adaptées, et pour l’application desquelles, en tant qu’agent de l’Etat, j’obéirai aux consignes que vous me fixerez.

Je vous prie de croire, Monsieur le Préfet, en l’assurance de mes sentiments les plus cordiaux et dévoués.


Philippe Laurent
Maire de Sceaux

Décision du Gouvernement : les élections régionales et départementales reportées au 20 et 27 juin : https://www.vie-publique.fr/en-bref/279421-les-elections-regionales-et-departementales-reportees-aux-20-et-27-juin