Interview avec Village Semance : alimentation, formation aux métiers de bouche et environnement

Mission Ecoter – Village Semance

Ci-dessous la retranscription de mon passage pendant cette chronique.

Question : En ces temps de crise, j’entends beaucoup parler de formation. Pouvez-vous évoquer votre projet d’école d’art culinaire ?

Réponse : C’est un projet que nous avons bâti, qui a malheureusement pris un peu de retard à cause de la situation sanitaire et économique mais qui devrait reprendre à partir de l’automne. C’est un projet d’implantation, au cœur de la ville de Sceaux, à l’extrémité de sa rue piétonne, assez connue pour la qualité de ses commerces de bouches, c’est donc l’implantation d’une école de formation des métiers de la restauration au sens large puisqu’il y a la cuisine, la boulangerie, mais également la formation des maîtres d’hôtel. Nous avons souhaité monter ce projet, car il est au carrefour de deux caractéristiques de Sceaux ; d’abord, c’est naturellement l’excellence de ses commerces et artisans de bouche, avec plusieurs meilleurs ouvriers de France qui y sont installés et l’autre caractéristique de Sceaux, c’est d’être une ville très tournée vers la formation puisque nous comptons sur notre territoire plus 20 000 habitants dont 10 000 étudiants par conséquent le lien entre ces deux caractéristiques, c’est précisément la mise en place de cette école de l’Institut culinaire de France. Nous souhaitons vivement engager cette mise en place de manière concrète.

Question : Quand vous évoquez la crise sanitaire, avez-vous l’impression que finalement, on en revient beaucoup plus à une alimentation locale, avec notamment des circuits courts, plus traditionnels. Mais la question que nous nous posons, cela va-t-il durer ou s’inscrire uniquement dans cet espace-temps figé de la crise sanitaire ? Y aura-t-il une prise de conscience, un changement radical des façons de consommer l’alimentation de la part de nos concitoyens ?

Réponse : Je ne sais pas si ce changement sera aussi radical et concerna tout le monde. En tout cas pour un certain nombre d’habitants, je pense que ça sera le cas. Sur ce sujet, Sceaux est, on peut le dire, un exemple, en tout cas un cas vraiment intéressant. Le confinement a fait que beaucoup de gens qui travaillaient dans Paris ou à la Défense par exemple, prenaient leur repas de midi à l’extérieur de chez eux. Pour la plupart, ce sont des cadres et depuis qu’ils ont été mis au télétravail, ils ont dû aller faire leurs courses, chez nos commerçants, et ont redécouvert le plaisir de faire la cuisine, et ce que nous avons pu constater à l’issue du confinement, c’est qu’en définitive, un certain nombre de personnes ont repris leurs habitudes d’avant, mais d’autres ont gardé les nouvelles habitudes prises pendant le confinement. Nous venons d’ouvrir à Sceaux, le premier magasin physique d’une association « La Ruche Qui Dit Oui » une forme d’AMAP, dans la rue piétonne de Sceaux, avec des loyers qui ne sont pas négligeables donc c’est un vrai investissement, avec des livraisons de ce primeur qui viennent directement du producteur qui se situe dans un rayon de 50 à 100 km de Sceaux. Par conséquent, je pense que ce type de commerce n’aurait pas eu cette capacité de se projeter pour ouvrir dans une ville comme la notre dans les années passées. Il y a eu une vraie évolution. Ceci étant, c’est peut-être encore une réflexion, une modification, du comportement qui est peut-être l’apanage d’une certaine catégorie sociale, pas de toutes malheureusement.

Question : J’aimerais que vous me parliez de votre fameuse rue piétonne.

Réponse : Pour compléter sur l’Institut qui sera géré et crée par le groupe Galileo, groupe international, dont en effet, l’objectif est bien d’accueillir, des personnes qui ont déjà une formation, en matière de cuisine etc. et de pouvoir leur donner une formation supérieure pour des étudiants venant du monde entier, donc l’Institut se veut international.

Concernant la communication, à Sceaux, nous avons la chance, d’avoir un chocolatier de renom, Patrick Roger, qui est d’ailleurs partenaire et soutient du projet, comme le soutiennent la totalité des commerçants et artisans de la ville. Patrick Roger a donc donné l’image d’un des meilleurs chocolatiers du monde, de ce fait, Patrick Roger peut être une forme d’exemple. Il est en plus un sculpteur accompli, donc c’est tout à fait une personne emblématique de Sceaux et qui sera l’un des parrains de cet institut.

Question : Je le disais, Sceaux est une ville exemplaire en matière de transition écologique, une agriculture saine, je crois que le glyphosate est interdit ?

Réponse : Oui, nous avions pris il y a maintenant deux ans, cet arrêté qui interdisait notamment à la RATP et aux copropriétés d’utiliser le glyphosate parce que les acteurs publics, la ville, le département, qui gèrent le parc de Sceaux avaient déjà cesser l’utilisation depuis plusieurs années. Comme vous le savez, il y a eu une sorte d’aventure judiciaire autour de cette affaire donc l’arrêté à été finalement annulé par le Conseil d’Etat et depuis le début du mois de mars nous venons de reprendre avec les 10 villes de France qui avaient également prit cet arrêté, un nouvel arrêté, considérant que les résidus de pesticides qui pouvaient aller dans le jardin du voisin, lorsqu’ils étaient par exemple utilisés dans une copropriété devaient être considéré comme des déchets, or, c’est interdit. Par conséquent, nous avons pris un nouvel arrêté en modifiant l’argumentation juridique. L’objectif, c’est de forcer et d’inciter le Gouvernement et le législateur à aller plus loin dans cette affaire. Nous avons tous vécu cette période où on commençait à dire qu’on allait interdire puis finalement non… Par conséquent, nous, nous considérons que la question du glyphosate est une question extrêmement importante pour la santé. A ce titre, de cette responsabilité générale, que le maire a, en matière de santé publique, nous continuons ce combat pour alerter et puis surtout pousser l’Etat à aller plus loin et plus vite.

Question : la culture « village », les commerces de proximité, vous n’avez pas attendu vous la crise sanitaire pour impulser cet état d’esprit en favorisant comme vous le disiez, les commerçants et les artisans, notamment votre rue piétonne.

Réponse : Tout cela vient d’une vision tout à fait novatrice qu’a eue mon prédécesseur, qui, en 1976, a décidé contre l’avis de tout le monde, de rendre piétonne une partie de la rue principale de Sceaux. Quelques mois après sa piétonnisation, la rue a rencontré une commercialité très forte. La politique que nous menons depuis 20 ans va dans ce sens et j’ai cherché à accentuer ce caractère essentiel d’un centre-ville vivant qui a plusieurs fonctions : la fonction commerçante, mais aussi la fonction culturelle avec la bibliothèque, le marché qui se tient trois fois par semaine, dont un marché bio le dimanche. Nous avons concentré énormément de choses dans le centre-ville, ce qui fait qu’avec le quartier piéton, nous avons une forme d’agora où les gens peuvent se croiser, échanger. C’est une très grande réussite de la ville, et aussi un des facteurs d’attractivité de la ville. J’ai d’ailleurs été un des fondateurs d’une association qui s’appelle Centre-ville en mouvement en 2006, association que je préside aujourd’hui, qui rassemble des élus, mais aussi des partenaires économiques et des acteurs du commerce, de toute nature, petits comme grands commerces. Je crois pouvoir dire que cette association y est pour beaucoup dans ce qu’a monté le Gouvernement avec le programme « Action cœur de ville » qui vise à accompagner les maires dans la revitalisation de leur centre-ville et qui est piloté par Mme Gourault. Nous avons vraiment fait progresser la cause des centres-villes depuis 15 ans, les maires ont redécouvert l’importance de s’investir dans le centre-ville, ce qui n’était pas le cas il y a 30 ans. Le centre-ville est un élément essentiel de la ville européenne. Dans tous les pays d’Europe, cela existe déjà ; et cela nous distingue fondamentalement des villes d’autres pays comme les Etats-Unis ou sur d’autres continents.

Question : Avez-vous instauré le droit de préemption dans le commerce du centre-ville ?

Réponse : Le droit de préemption sur les fonds de commerce évidemment existe et a été généralisé au maximum sur la ville même si je n’ai pas pu le faire partout. Surtout, nous préemptons à travers la société d’économie mixte, les murs commerciaux. La société d’économie mixte est aujourd’hui propriétaire d’une vingtaine de murs commerciaux (coiffeurs, restaurants…) et dès que j’ai la possibilité de le faire, je préempte les murs, car c’est le fait d’être propriétaire des murs qui me permet de garantir une forme de diversité commerciale en pratiquant les loyers qui sont adaptés aux différentes catégories d’activité qui ne sont évidemment pas les mêmes. Une autre de mes fiertés, c’est qu’il y a eu aucune d’implantation de banque, d’assurances, d’agences immobilières nouvelles dans le centre-ville depuis 20 ans.