Quel avenir pour les cadres de « la territoriale » ?

Je présente ici le constat et les interrogations qui ont mené la réflexion exprimée dans le rapport effectué pour le compte du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, adopté le 4 février dernier.

Quel est aujourd’hui le principal obstacle au « bonheur des cadres » territoriaux ?

Sans doute, ce qui manque aussi aux collectivités territoriales : une vraie reconnaissance de leur rôle dans la société actuelle et des compétences avec lesquelles ils l’exercent. Plus spécifiquement, la perspective raisonnable de mener une carrière complète au sein de la fonction publique territoriale, avec un aboutissement digne des responsabilités exercées.

Les élus ne sont-ils pas les principaux responsables du malaise des cadres territoriaux ?

Les seuls responsables, non. Les principaux, oui. Il est étonnant de constater combien certains élus exécutifs de grandes collectivités considèrent que seuls un haut fonctionnaire d’Etat peut être leur principal collaborateur. C’est d’ailleurs une attitude qui crée un véritable malaise et des interrogations profondes chez de nombreux jeunes administrateurs et ingénieurs territoriaux. Ces interrogations portent également sur la conception que les mêmes élus ont du rôle d’une collectivité territoriale en France : simple prolongement de l’Etat, ou organe politique autonome. J’ajoute que pèse aussi la relative incapacité des élus à s’organiser pour qu’existe un collège employeur structuré, à même de faire entendre ses spécificités et de négocier de vrais accords avec les professionnels. Pour autant, notez que le rapport a été rédigé à l’initiative de membres du collège employeur du CSFPT. Les cadres territoriaux souhaitent des élus pleinement engagés dans leur mandat sur leur territoire, des élus qui fassent confiance à leur savoir-faire, à leur expertise et à leur loyauté.

On voit que beaucoup de cadres de l’Etat « prennent la place » des territoriaux dans les plus hautes responsabilités des collectivités : faut-il leur restreindre l’accès à la territoriale ?

Dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, les mesures « autoritaires » ne sont pas de mise, et la liberté de recrutement par les élus de leurs principaux collaborateurs doit évidemment être préservée. Pour autant, le zèle avec lequel certaines administrations et organismes parapublics d’Etat cherchent à replacer leurs cadres en surnombre au sein des administrations territoriales devrait être modéré afin d’atténuer l’effet de « reprise en main » de la gestion publique locale. Les exécutifs locaux devraient être davantage conscients de l’immense intérêt de disposer de cadres supérieurs issus d’une carrière territoriale et en partageant toutes les valeurs. Nous mettons en avant dans notre rapport le fait que les valeurs du service public territorial se distinguent, par certains aspects, des valeurs du service de l’Etat.

Vos propositions ont-elles une chance d’être entendues… et concrétisées ?

Je pense d’abord qu’elles seront entendues et discutées par les professionnels eux-mêmes et par celles et ceux qui, au sein de l’administration d’Etat, suivent ces questions.

J’espère qu’elles le seront également par les élus locaux, car c’est d’abord de leur volonté d’approfondir encore la décentralisation et la qualité de la gestion publique locale, que dépend le « bonheur » des cadres territoriaux.

Quant à la concrétisation de nos propositions, qui sont de natures diverses, elle se produira pour certaines qui font consensus. Pour d’autres, il faudra la force de conviction que pourra y mettre le futur conseil supérieur de la fonction publique territoriale, mis en place fin mars. J’ai déjà proposé que notre rapport fasse l’objet d’un groupe de suivi permanent, compte tenu de la complexité et de la diversité des mesures à prendre.

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