Les enjeux de la réforme des collectivités locales

Quelles sont les économies d’échelles et de doublons qu’une telle réforme doit permettre de réaliser ?

Ces économies, si elles existent, sont nécessairement limitées. En effet, ce qui coûte, ce ne sont pas tant les structures elles-mêmes que les politiques publiques qu’elles mettent en œuvre. Que veut-on faire ? Fusionner deux niveaux de collectivités et confier au niveau fusionné l’élaboration, la mise en œuvre et le financement de l’ensemble des politiques publiques et des compétences qui étaient celles des deux niveaux ? Ou remettre en cause sur le fond les politiques menées ? Ce n’est pas la même chose. Dans le premier cas, on économisera quelques postes de secrétariat de président et de chauffeur, au mieux.
Il y a en revanche des doublons à supprimer, ce sont ceux entre les collectivités locales et l’Etat. Ce dernier a très insuffisamment tiré les conclusions de la décentralisation. Les services de l’Etat, qui mettaient en œuvre les compétences transférées, sont pour la plupart restés en poste. Et ils tentent de garder leur pouvoir en édictant de plus en plus de textes et de normes qui viennent renchérir le coût des compétences transférées, ceci avec la complicité passive des parlementaires.
Si l’on souhaite véritablement économiser, il faut aller au bout de la logique de transfert de compétences et transférer aussi une partie du pouvoir réglementaire. Mais ceci suppose une véritable « révolution culturelle » de l’Etat que celui-ci n’est absolument pas prêt à opérer, encore moins aujourd’hui qu’hier comme le montre le phénomène de « globalisation » et de re-centralisation des finances publiques généré par le mécanisme des critères de Maastricht.

Comment régler les conflits de compétence ?

Il n’y a qu’une seule façon, dans l’état actuel des choses, pour régler les conflits de compétence : la contractualisation entre collectivités locales elles-mêmes, ou entre une collectivité locale et l’Etat. Contractualisation, cela signifie pleine responsabilité pour chacun des signataires. C’est pourquoi elle doit s’accompagner d’une plus forte responsabilisation des uns et des autres dans le prélèvement fiscal, ce qui suppose une réforme profonde de la fiscalité locale. Le jour où chaque assemblée locale sera clairement responsable aux yeux des citoyens du financement des dépenses qu’elle effectue, il y aura progression de l’efficacité réelle de la dépense publique.
Le thème récurrent de la « clarification de compétences » et la nouvelle lune de la suppression de la clause de compétence générale pour certains niveaux de collectivités doivent à cet égard être appréhendés avec prudence. La clarification des compétences, c’est le moyen qu’a trouvé l’Etat pour mieux contrôler le système : elle transforme les collectivités en établissements publics et l’assemblée élue au suffrage universel en conseil d’administration. Au terme du processus de « spécialisation », c’est aussi la suppression de l’autonomie fiscale qui est à redouter, et, partant, la fin des libertés locales. Que certains hauts fonctionnaires de l’Etat le souhaitent ardemment est une chose. Que les élus locaux eux-mêmes s’en fassent les complices, c’est assez étonnant.

Quelle solution aux financements croisés ?

Les financements croisés ne sont pas en eux-mêmes un problème aussi important. Ils sont aujourd’hui nécessaires pour n’importe quel investissement d’une certaine ampleur, car aucune collectivité n’a seule les moyens d’en financer la totalité. Ils sont aussi une forme de garantie de la pertinence de l’investissement en question, puisque celle-ci aura été vérifiée et reconnue par plusieurs entités publiques et donc plusieurs assemblées politiques. On a moins de chance de se tromper à plusieurs que tout seul. La solution, c’est là encore une contractualisation assumée en pleine responsabilité.

Comment réduire l’illisibilité du système pour le citoyen lambda ?

Est-on vraiment certain que le citoyen est aussi perdu qu’on le dit généralement ? Cette idée n’est-elle pas une « tarte à la crème » ? S’agissant de ce qui se passe sur un territoire, que ce soit en terme d’investissement ou de prestations rendues, la citoyen a d’abord le réflexe d’aller à la mairie, sorte de guichet unique, ou de s’adresser au maire pour lui faire part de ses demandes ou critiques à l’égard de tout problème. Et il comprend généralement assez bien ce qu’il en est ensuite. Je note d’ailleurs que toute action faisant l’objet d’une collaboration entre plusieurs collectivités, surtout lorsque ces collectivités sont dirigées par des majorités non politiquement identiques, est généralement bien perçue par les citoyens, comme une marque de sens des responsabilités.
La clarification passe là encore d’abord par la responsabilisation fiscale. De là découlera l’efficacité de la dépense publique locale. Ne succombons pas aux effets de mode en la matière !

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