Le congrès de tous les enjeux !
J’ai effectué vendredi dernier 13 novembre mon 12ème déplacement en moins de deux mois pour parler avec des acteurs du monde local de la réforme territoriale et des conséquences de la suppression de la taxe professionnelle. Vendredi, je rencontrais à Laval des cadres supérieurs de l’intercommunalité de l’ouest de la France.
J’aime ces rencontres, avec des élus locaux et/ou des fonctionnaires territoriaux. Elles sont toujours passionnantes et instructives. Je m’y « ressource » régulièrement en constatant le développement extraordinaire de ces initiatives locales, de ce dynamisme, de cette imagination, de cet engagement pour le territoire et ses acteurs, qui rendent tellement plus performante l’action publique locale, au point que les attaques grossières et inutiles dont sont victimes, de la part de grands dirigeants politiques, les collectivités territoriales me blessent profondément, tant je les ressens – quasi personnellement – comme une injustice qu’on ne peut pas laisser passer. Ces rencontres me permettent également de rester « connecté » à la réalité de ce que vivent les opérationnels de terrain – dont je fais également partie à travers la ville dont je suis maire – et de ne pas tomber dans le travers de celles et ceux qui pensent régler les problèmes depuis Paris, sur le papier, sans absolument rien connaître de la réalité locale. La bien triste affaire de la recherche du remplacement de la taxe professionnelle, menée avec tant de maladresse et de mauvaise foi par le gouvernement, en est la dernière illustration.
Vendredi, j’ai donc eu ainsi l’occasion de dire que le congrès des maires de France, qui s’ouvre ce lundi à Paris, est décidément le congrès « de tous les enjeux ». Le gouvernement et la majorité parlementaire qui le soutient font en effet face à un mouvement sans précédent d’incompréhension et d’inquiétude des maires et des élus locaux face à une accumulation de réformes dont ils ne perçoivent plus le sens profond – hormis la réduction de la dépense publique annoncée comme une fin en soi, ce qui est parfaitement incompréhensible lorsqu’on est élu politique et donc engagé dans le changement et l’amélioration de la société.
Face à cette situation inédite, le pouvoir central a le choix entre deux attitudes.
Soit le gouvernement la comprend et l’entend, et une meilleure qualité de dialogue doit immédiatement s’instaurer pour parvenir à un nouveau partage de l’action publique entre le pouvoir central et les pouvoirs locaux : acceptation par l’appareil d’Etat d’une définition partagée de l’intérêt général, écoute réciproque, refus des anathèmes et des jugements faciles, définition d’un agenda de discussion et de négociation qui ne doit exclure aucune question aujourd’hui taboue …
Soit le pouvoir central poursuit sa course de la « réforme pour la réforme ». Ce serait alors ce que j’ai appelé la « casse territoriale », la destruction d’un système fragile fait de multiples équilibres qui évoluent lentement par la volonté des élus locaux et non par la contrainte, mais qui a fait ses preuves lorsque l’on voit le succès incontesté de la décentralisation dans notre pays, le développement qualitatif et quantitatif des services publics locaux et le poids des investissements publics d’infrastructures.
Malheureusement le choix des ressources de remplacement de la taxe professionnelle, à l’occasion duquel l’autonomie fiscale, condition absolue de l’autonomie locale, est fortement amoindrie, et le déni répété de Mme Christine Lagarde, qui montre nouveau sa totale incompréhension du monde local dans le JDD de ce dimanche, montre que c’est bien le second terme de l’alternative qui est retenu.
Ce choix, s’il était définitivement confirmé, signerait alors la fermeture d’une parenthèse de décentralisation de 30 ans, dans une histoire de plus de deux siècles d’Etat centralisé et jacobin. Aucun pays développé n’a fait ce choix, tant il est vrai que la qualité d’une démocratie se mesure aussi à sa capacité de permettre au plus grand nombre d’exercer des responsabilités, dans l’application pleine et entière du principe de subsidiarité.
L’enjeu du congrès des maires de France, c’est de le faire comprendre à un pouvoir central aveuglé et trompé par les erreurs majeures de diagnostic qu’il a commis lui-même depuis deux ans.