La commune est sauvée … mais pour combien de temps ?

L’amendement déposé par plusieurs députés – dont les rapporteurs du projet de loi dit « grenelle II » – et soutenu par le gouvernement, visant à rendre obligatoire le transfert de compétence en matière d’élaboration des plans locaux d’urbanisme de la commune vers la structure intercommunale n’a pas été adopté – de justesse – par l’Assemblée nationale. Aussitôt, certains ont dénoncé le « conservatisme » des maires qui auraient usé de leur influence sur les parlementaires pour empêcher cette « grande avancée », voulue au nom de la « rationalité » de l’aménagement du territoire …

Cet épisode montre bien que nous sommes aujourd’hui, en matière d’intercommunalité, à la croisée des chemins. Soit l’on considère que les structures intercommunales procèdent des communes, qu’elles en sont et doivent en reste les outils, et il faut défendre absolument la situation actuelle, dans laquelle tout transfert doit être volontaire et non imposé par la loi. Soit l’on considère que les communautés doivent prendre le pas, et il ne sert à rien de continuer à proclamer hypocritement que la commune doit en même temps rester l’échelon de base de l’organisation politique et de la démocratie !

Dans le cas particulier de l’urbanisme, les promoteurs de la supra-communalité ont tout simplement oublié que, contrairement à la collecte des ordures ménagères ou au réseau d’assainissement ou de transports en commun, le plan local d’urbanisme était intrinsèquement lié à la décision – proprement politique – qui fonde l’avenir de la commune. Une commune qui ne maîtrise pas son PLU ne maîtrise plus son avenir. Oter le PLU au conseil municipal, c’est le priver de la part principale de ses choix politiques, c’est ruiner la décision politique au profit de démarches techniques, imposées, modélisées et uniformes d’un bout à l’autre du pays. C’est pourquoi les maires ont réagi. Ce d’autant plus que les arguments avancés étaient plutôt faibles : en quoi le transfert du PLU à la communauté aurait-il à coup sûr pour effet d’empêcher l’étalement urbain ? En quoi cela pourrait voir pour effet d’accélérer la production de logements ? Voilà bien le type même de fausse bonnes idées, véhiculées à plaisir par les ministres et dirigeants des grands lobbies, ce qui au passage leur permet de ne pas parler de leurs propres insuffisances (par exemple, de l’absence de crédits au niveau de l’Etat, une absence qui ne sera jamais remplacée par l’abondance actuelle de discours moralisateurs).

Dans ce monde si agité, il reste encore quelques îlots de bon sens et de vraie prise en compte de l’intérêt général. On doit encore une fois le constater : il s’agit d’abord des communes, de leurs conseils municipaux et de leurs maires. A vouloir trop forcer l’intercommunalité pour de simples raisons « arithmétiques », on ne fera qu’aboutir à un rejet violent de ces structures communautaires souvent mal connues, disposant de faibles traditions administratives et maîtrisant imparfaitement le « terrain ». Le retour de bâton sera douloureux, et il se fera sentir jusque sur les bancs de l’Assemblée nationale si celle-ci s’obstine à forcer la nature des choses … notamment dans l’examen, ces prochaines semaines, du projet de loi sur la réforme territoriale.

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