Intermittence : la culture en danger
Le conflit entre les intermittents du spectacle et le Gouvernement à propos de l’accord sur l’assurance-chômage du 22 mars se durcit jour après jour. Les festivals sont menacés. Et les collectivités territoriales, partenaires de premier rang de ces manifestations artistiques et culturelles essentielles, ne peuvent assister sans voix à une escalade de protestation et de méfiance qui éloigne peu à peu tout espoir de conciliation.
Au nom de la FNCC (Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture), que je préside, je constate que la mission de médiation que l’Etat vient de confier au député Jean-Patrick Gilles – auteur d’un rapport remarquable sur les métiers artistiques, riche de pistes d’amélioration du fonctionnement des annexes 8 et 10 – est d’ores et déjà considérée par les intermittents comme un subterfuge.
Naturellement, nous n’entendons pas nous immiscer dans les négociations entre syndicats et organisations patronales (donc indépendamment de l’Etat). Pour autant,les collectivités locales ne peuvent plus se taire. Ce conflit est d’évidence nuisible à tous. Il serait irresponsable de ne pas rappeler chacun à ses responsabilités, et notamment ceux qui, parmi les employeurs eux-mêmes, abusent du système et le dévoient. Déraisonnable de ne pas appeler chacun à la raison. D’autant plus que tous les éléments d’une concertation efficace, respectueuse des nécessités de la vie artistique et des impératifs économiques, existent.
Les parlementaires – tant du Sénat que de l’Assemblée nationale – ont travaillé avec rigueur et réalisme pour identifier les voies qui permettent non seulement de contenir le coût des annexes 8 et 10, mais aussi d’en imaginer un fonctionnement plus juste, plus solidaire. De leur côté, les professionnels ont également avancé des pistes rigoureuses. Les bases d’une discussion approfondie et fructueuse sont sur la table. Elles doivent d’urgence être prises en compte, hors de toute menace, de tout chantage, hors de tout emballement et de tout raidissement. Alors que la capacité au dialogue et à la négociation sera pour tous – professionnels, partenaires, Etat – une preuve de force, la crispation, la contrainte et la surdité resteront des marques de faiblesse.
Cette discussion ne doit pas se dérouler sans des représentants des collectivités, désormais premiers financeurs publics de la culture. L’enjeu est autant national que local. Le conflit d’aujourd’hui est le résultat de négociations mal engagées, de refus d’écouter. Il n’est pas acceptable que ces négligences et ces crispations mettent ainsi en péril la vie culturelle de notre pays, et en même temps l’économie de la culture, qui permet à de nombreuses villes et régions de développer une activité qui, en même temps, préserve des emplois, nourrit la création et conduit le spectateur à plus de découvertes, de connaissances, de sensibilité. Notre société, notre civilisation ont besoin des artistes. Les artistes et techniciens ont besoin d’un régime spécifique qui prenne en compte la nature discontinue de leurs métiers. Il n’y a aucune raison qu’on ne puisse pas articuler ces deux exigences. Il est urgent de s’y atteler.