Vécu : l’Europe des peuples et l’Europe du commissaire

A l’invitation du maire de Brühl, la ville jumelle de Sceaux en Allemagne, située près de Cologne, je viens de passer avec mon épouse – elle-même d’origine en partie allemande – et une délégation d’une quarantaine de Scéens trois jours sur place pour célébrer le … 725ème anniversaire de la création de la ville de Brühl. Cette visite avait lieu quinze jours avant les élections au Parlement du Land (en l’occurrence Rhénanie du Nord – Westphalie), une élection à hauts risques pour la coalition qui détient le pouvoir fédéral. Ce fut une belle cérémonie, avec une célébration oeucuménique, et des discours simples et directs. Une fête populaire a animé la ville (45 000 habitants) dans un esprit bon enfant.

Lors de ces journées, j’ai été frappé, une fois encore, par l’attachement des citoyens allemands à leur ville, aussi bien qu’à leur land, et par la foi européenne qui les anime. Un mot traduit cela, cet attachement à plusieurs dimensions mais dont aucune ne doit être absente pour « être bien », se sentir en sécurité, reconnu, membre à part entière de la communauté : « heimat ». A la fois la patrie nationale, mais aussi le « chez soi ». Un chez soi, en l’occurrence, de 725 ans, qui se sent bien dans l’Europe et qui en parle comme d’une évidence, avec une simplicité désarmante.

Les armes et les couleurs de la ville sont partout présentes ici. Les occasions de les afficher d’ailleurs ne manquent pas : des drapeaux flottent devant de nombreuses maisons, chaque association dispose de son propre fanion que ses membres arborent fièrement, y compris à l’église, etc. Ces impressions d’ailleurs me renforcent dans cette conviction que la commune est, et doit rester, le lieu premier de la démocratie, en Allemagne comme en France, et sans doute partout ailleurs dans le monde. Du reste, l’expérience montre que lorsque des maires en provenance de pays très divers se rencontrent, ils se trouvent toujours énormément de points communs. L’enracinement local est sans aucun doute un besoin vital. C’est cet enracinement qui donne la sécurité nécessaire pour tenter d’autres aventures, comme celle de l’Europe par exemple. Prenons garde, en France, de nous laisser par trop séduire par des schémas, peut-être rationnels, d’intercommunalité qui deviendrait d’abord subie, et non d’abord voulue. La lutte pour la rationalisation de la dépense publique ne peut tenir lieu de politique d’avenir pour un peuple !

Le jour même de notre départ en Allemagne, j’ai participé à une rencontre avec le commissaire européen en charge du marché intérieur, Michel Barnier, au titre de l’Association française des communes et régions d’Europe (AFCCRE), dont je suis le président délégué. Nous souhaitions notamment faire part au commissaire des inquiétudes des élus locaux français s’agissant de la transposition de la directive « services » et de l’application du traité de Lisbonne relativement aux services publics, telles qu’elles s’étaient encore exprimées à Bruxelles, la semaine précédente, lors de la réunion de la commission « Europe et services publics locaux » que je préside. La réponse du commissaire nous a intéressés : un discours politique quelque peu nouveau sur le front du marché intérieur et des services publics, une affirmation sans ambages sur son attachement au dialogue avec les élus locaux et régionaux et une volonté de « réconcilier le marché intérieur avec les citoyens et les entreprises ». Michel Barnier a ainsi affirmé ne rien vouloir engager qui mettrait en cause les missions de services publics. Un discours nouveau … pour une autre Europe que celle des marchands et des banques, bâtie avec la complicité des Etats centraux et dont à la fois les élus locaux et les parlementaires européens, au fond, ne veulent pas.

Laisser un commentaire