« Non à la toute puissance de la haute administration d’Etat ! « 

« Tribune publiée dans la « Gazette des communes », janvier 2013.

Dans un éditorial direct, sans concession et engagé, La Gazette s’est faite, avec talent, le porte parole de tous ceux qui, dans leurs fonctions respectives et diverses, œuvrent pour un service public territorial de qualité, attractif, adapté aux territoires si divers de notre pays, et surtout devenue absolument indispensable au maintien de la cohésion sociale, mise à mal par des approches macro-économiques – voire purement financières – qui négligent de plus en plus l’humain. Il faut l’en remercier. C’est une démarche salutaire.

Ce qui est exprimé par une partie de la presse ne l’est qu’avec le consentement, voire la complicité active, d’acteurs important de notre vie nationale. Car s’il est un secteur où rien, décidément, ne change, c’est bien celui de la toute-puissance, voire de la dictature, intellectuelle et médiatique d’une partie infime de l’administration d’Etat, certaine de détenir la vérité et la seule vraie conception de l’intérêt général. Elle s’est appropriée depuis plusieurs générations la République. Les élus nationaux (même lorsqu’ils sont aussi élus locaux), ont laissé faire. Ils n’ont pas exigé un vrai équilibre des pouvoirs, aujourd’hui inexistant. Et il est toujours surprenant de constater comment, lorsqu’il ou elle parvient au pouvoir national, il ou elle (élu(e)) oublie instantanément ce qu’il ou elle a appris au contact des réalités du terrain, en tant qu’élu local ! Cela est vrai pour la gauche comme pour la droite … et c’est donc bien une question « culturelle » et systémique, et pas de choix politique ou idéologique.

Comment en sortir ? 

D’abord, en réformant en profondeur la haute administration d’Etat : suppression de l’ENA, diminution drastique des cabinets ministériels, suppression des nombreuses directions et services qui ne produisent plus que de la norme (et plus aucun service direct aux citoyens), désengagement total de l’Etat des compétences transférées aux collectivités locales (même pour « contrôler ou « évaluer »), etc…

Ensuite, mettre fin au cumul des mandats. Je sais combien cette proposition est peu « populaire » chez la plupart de mes collègues élus. Je n’y étais moi-même pas très favorable il y a quelques années. Mais je constate l’extrême difficulté pour nous, élus locaux, même organisés, à faire prévaloir au niveau national le bon sens, malgré la présence parmi nous de nombreux parlementaires. Et j’en conclus que, peut-être, une force politique constituée uniquement d’élus locaux, suffisamment dégagée des déplorables contraintes partisanes, ne cherchant pas à plaire au pouvoir établi pour « accéder à l’objectif ultime d’une place au gouvernement » (où leur pouvoir est de toute façon généralement bien moindre que dans leur collectivité), disposant de ses propres outils d’analyse, serait un contre pouvoir plus efficace que la sorte de cohabitation molle que nous connaissons aujourd’hui. Tout laisse à penser d’ailleurs qu’au sein du futur Haut conseil des territoires, le pouvoir d’Etat traitera avec les parlementaires présents (qui seront nombreux et sans doute majoritaires par rapport aux « simples » élus locaux), et que l’approche des questions sera exclusivement centrée sur la démarche et la « négociation » parlementaire, risquant ainsi d’enlever beaucoup d’intérêt à cette instance en terme de réflexion stratégique.

Ensuite encore, en (re)donnant confiance aux élus et agents de terrain, dans les petites communes comme dans les grandes villes, dans les départements, dans les régions. En étant encore plus solidaires entre nous, en trouvant les voies et moyens pour mieux coordonner encore nos décisions et actions, en communiquant de bien meilleure façon. Sans doute faut-il aussi nous appuyer sur la presse spécialisée, mais aussi la presse quotidienne régionale, qui me semble mieux réceptive au caractère « production de services au quotidien » de notre activité de service public territorial. Bref, osons le mot : mener une vraie campagne de lobbying, qui sera bénéfique pour la mobilisation des agents territoriaux, voire pour l’attractivité de la fonction publique territoriale.

Enfin, nous devons impérativement disposer de notre propre observatoire de la gestion publique territoriale. Nous en avons parfaitement les moyens. Il suffit de « mutualiser » ces moyens entre les associations d’élus et, éventuellement, quelques acteurs de notre milieu qui disposent de ressources (intellectuelles comme financières). C’est un très beau projet. Il est absolument indispensable, car tant que nous n’aurons pas nous-mêmes la « force de frappe » scientifique et intellectuelle pour répondre, nous ne parviendrons pas à contrecarrer le discours « officiel » national sur les gaspillages et l’incompétence des gestionnaires locaux. Et ce discours n’a strictement aucune raison de cesser : il plaît au Français moyen (qui aime bien SA collectivité, mais pas les collectivités en général), il fait vendre papier ou des connexions (comme tous les marronniers), il ne dérange pas le pouvoir national (au contraire), il exprime en quelque sorte une « revanche » de la haute fonction publique d’Etat face aux élus qu’elle supporte souvent assez mal quand elle ne les méprise pas.

En cette période de vœux, je souhaite avec force et ferveur que nous soyons collectivement capables de créer les conditions pour le renouveau de l’action publique territoriale, et sa reconnaissance par nos concitoyens qui, pour la plupart, l’attendent.

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