« Usines contre collectivités locales » : un raccourci plutôt saisissant !

Je partage l’inquiétude du président de la République sur le phénomène de désindustrialisation de notre pays et j’approuve globalement son discours de soutien à l’industrie. Peut-être ma formation d’ingénieur y est pour quelque chose !

C’est pourquoi je suis allé ce week-end sur le site de l’Elysée pour lire ou écouter l »intervention de vendredi 3 septembre devant les salariés de Valinox Nucléaire, à Montbard.

Là, j’ai quand même eu un choc lorsque j’ai entendu les phrases suivantes, à propos de la suppression de la taxe professionnelle : « une décision difficile que j’ai eu à prendre, contre, il faut bien le dire, une majorité des élus locaux« , ou encore : « j’ai dû arbitrer entre l’intérêt des usines et l’intérêt des collectivités locales, parce que les collectivités locales ça ne se délocalise pas et les usines, ça se délocalise !« .

C’est quand même un raccourci saisissant et audacieux de la réalité !

D’abord, les élus locaux ne se sont pas opposés à la suppression de la taxe professionnelle. Ils ont demandé que le nouveau système fiscal fasse en sorte de garder un certain équilibre entre les ressources en provenance des acteurs économiques et celles venant des ménages. Ils ont également souhaité garder leur autonomie fiscale afin de garder une autonomie de décision et rester relativement indépendant par rapport aux dotations de l’Etat. Ils ont enfin demandé que les choses soient justement et entièrement compensées. Rien de plus. Et ils n’ont pas tout obtenu, loin de là, et notamment les départements et régions, même si l’essentiel a été sauvé pour les communes. Il est donc exagéré de montrer des élus crispés et conservateurs, alors même que ce sont les élus locaux et les parlementaires qui, en réalité, ont élaboré le fameux article 2 de la loi de Finances pour 2010 …

Et puis, il est pour le moins curieux d’opposer ainsi les « usines » et les collectivités locales. Quel que soit l’importance des premières, on rappellera quand même que les collectivités locales sont dirigées par des instances élues au suffrage universel et qu’elles participent au service public, dans le cadre de ce qu’il faut bien appeler la satisfaction de l’intérêt général. Usines et collectivités locales ne sont donc pas deux partie d’un même ensemble, car elles ne sont absolument pas de même nature. Et l’affaiblissement des collectivités locales affaiblit du même coup les services publics locaux, si importants dans la vie quotidienne des Français, y compris de ceux qui travaillent dans les usines. En eux-mêmes, les moyens des collectivités locales sont à la disposition de tous. Il n’en va pas tout-à-fait de même du chiffre d’affaires des « usines » … Et l' »intérêt des collectivités locales », c’est celui du peuple tout entier.

Cette confusion, ce raccourci, étaient sans doute voulus pour marquer les esprits. Mais ils ont aussi l’inconvénient de « cliver », de chercher à opposer même des entités – et derrière des femmes et des hommes – qui ne peuvent, ni ne doivent surtout pas, s’opposer, car de nature différente. Dommage qu’on en arrive là, alors qu’il serait sans doute plus sage et plus efficace de mobiliser – y compris les élus locaux – sur ce grand et nécessaire combat pour la vocation industrielle de la France.

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