Un nouvel élan pour l’Europe des peuples

Comme la plupart des maires, j’ai présidé ce mercredi 8 mai la cérémonie commémorant le 8-Mai-1945. A Sceaux, depuis plusieurs années, le maire de Brühl, notre ville jumelle allemande, nous fait le plaisir et l’honneur de sa présence et d’une intervention toujours remarquable. Le 8 mai étant la veille du 9 mai, journée de l’Europe, nos interventions, tout en rendant hommage à celles et ceux qui ont combattu les armes à la main ou dans la Résistance (en Allemagne comme en France) parce qu’ils pensaient juste la cause qu’ils défendaient, parlent aussi, et toujours plus, de l’Europe.

Cette fidélité à ce rendez vous est pour nous tous le symbole de l’amitié franco-allemande, née quelques années seulement après la guerre, de la volonté farouche de quelques grands hommes de part et d’autre du Rhin.

Le 9 mai, c’est donc le jour anniversaire de la déclaration Schuman du 9 mai 1950. Cette déclaration, prononcée 5 ans seulement après la fin du conflit, est considérée comme le texte fondateur de l’Union européenne. Treize années plus tard, le 22 janvier 1963, il y a cinquante ans, le chancelier Adenauer et le général de Gaulle, président de la République, signaient le traité de l’Elysée, refondant de manière profonde et durable l’amitié franco-allemande.

Nous sommes les héritiers de ces pionniers de la construction européenne et de l’amitié franco-allemande, qui en est le principal moteur. A nous de poursuivre cette construction exigeante et passionnante en nous inspirant des mêmes valeurs humanistes et universelles. En sommes-nous, en serons-nous dignes ?

Aujourd’hui, comme cela est déjà survenu à plusieurs reprises, l’Europe connaît de nouvelles épreuves, sans doute moins visibles, mais sans doute aussi très profondes car touchant à une forme d’essentiel. Il ne s’agit évidemment plus de se battre. Mais il s’agit de savoir si, ensemble, nous voulons continuer à être une référence pour le monde, en termes de promoteur de la paix universelle, en terme de solidarité équilibrée, en terme de rempart et de promoteur des libertés individuelles et collectives, en terme de développement économique, social et culturel maîtrisé, en terme d’intelligence collective pour le progrès de tous les peuples.

Or, nous voyons bien la tentation, partout, du repli sur soi, de la peur de l’avenir, du rejet de l’autre perçu non comme une chance de progresser ensemble, mais comme un danger de remise en question de nos acquis. L’Europe n’est pas épargnée de cette tentation, attisée par la crise économique, sociale, morale et politique que nous traversons, et qui, de plus en plus, s’empare peu à peu du discours politique.

Tout récemment, quelques déclarations malheureuses, quelques mots agressifs prononcés par de hauts responsables français nous ont attristés. Ces mots et ces déclarations n’auront pas, j’en suis certain, de trop lourdes conséquences, parce que l’amitié franco-allemande n’est pas le fait seulement des dirigeant quels qu’ils soient, mais aussi et surtout des peuples. Ce sont les élus locaux, les comités de jumelage, les échanges multiples entre nos institutions, écoles, clubs sportifs, associations, qui forment la preuve vivante de cet enracinement, au plus profond de nos peuples et des communautés locales.

L’Europe d’aujourd’hui ne se reconnaît pas d’ennemis.
 En fait elle n’en a qu’un : elle-même. Elle est saisie de doutes grandissants face à la dernière marche de son long cheminement, celui de l’union politique, devant laquelle les Etats et les peuples hésitent. Mais la question est posée. Il faut à l’Europe un nouvel élan. En soixante ans, l’Europe a certes beaucoup changé, le monde aussi. Mais l’inspiration et la méthode restent les mêmes : partager volontairement la souveraineté pour ne pas la perdre par la contrainte, additionner les identités plutôt que de les opposer, se hisser à la dimension des acteurs mondiaux au sein desquels l’union fait toujours la force.


En 2014 auront lieu les élections au Parlement européen. Je forme le vœu fervent que, loin de constituer seulement un test national, ces élections soient enfin l’occasion de mettre sur la table, clairement et sans aucun tabou, le débat sur l’union politique européenne. Je souhaite ainsi que nos dirigeants, en France, en Allemagne et dans tous les pays de l’Europe unie, s’inspirent de l’exemple des élus locaux et des citoyens, et sachent dépasser les querelles du moment, pour poursuivre l’œuvre de paix et de progrès à laquelle se sont attelés nos prédécesseurs, avec une foi en l’avenir que nous devons retrouver.

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