Relever le défi du développement de l’offre d’habitat sur la métropole

Entretien pour « Le conseiller général magazine« 

1- Vous avez été l’un des premiers, dès 2001, a milité pour une gouvernance unifiée de l’agglomération parisienne. Aujourd’hui, la création d’une structure comme Paris Métropole ainsi que l’adoption de la loi sur le Grand Paris vous semblent-elles avoir enfin lancé la « dynamique métropolitaine » ?

Incontestablement. Il faut se souvenir de l’où on part. En 2000, il n’y a strictement aucune relation, de quelque nature que ce soit, entre Paris et les territoires de sa banlieue. Evoquer la moindre collaboration attire immédiatement la crainte que Paris étouffe ses voisins plus petits. Le rejet peut même être puissant et définitif. Car l’histoire des relations de Paris avec sa banlieue est celle d’un comportement de la capitale bien peu respectueuse de ses communes voisines, qui voyaient, notamment au 19ème et début du 20ème siècle, tout ce dont ne voulait pas Paris arriver chez elles : cimetières, ordures, eaux usées, pauvres, … On comprend qu’elles en aient conçu méfiance et amertume. Le grand changement, après l’élection municipale de 2001, a été la prise de conscience des élus de Paris que l’avenir de la capitale en tant que ville-monde était lié à celui de sa banlieue, qu’il y avait un avenir commun de « métropole ». C’est là que le mot est apparu, qu’a commencé le travail patient de reconstruction du lien – dans lequel Pierre Mansat, adjoint au maire de Paris, a joué un rôle essentiel – avec les communes oubliées, que les élus ont commencé à se parler et à dresser des diagnostics partagés. Parmi ceux-ci, l’insuffisance et le retard dans les transports, la gravité de la crise du logement, le creusement des inégalités territoriales, mais aussi un formidable gisement de ressources humaines et de volontés d’avancer … Nous avons alors acquis, ensemble (c’est-à-dire une cinquantaine de maires pour l’essentiel), la conviction que la résolution de ces questions était une condition absolue non seulement de la qualité de vie des 8 millions d’habitants de la métropole, mais aussi de l’attractivité de son territoire et du maintien de son statut à l’échelle mondiale. Cette conviction a trouvé écho, d’une certaine façon, dans la volonté du président de la République qui a exprimé une analyse assez proche et a lancé l’idée de la loi Grand Paris, en mettant l’accent sur les transports. Certes, tout ceci a donné lieu à des batailles politiques, voire politiciennes, mais, sur le fond, il y a un accord sur le diagnostic et sur ce qu’il convient de faire. Seule l’appréciation sur les modalités de la démarche peut diverger, et encore …
Alors oui, la dynamique métropolitaine existe désormais. Il reste à lui donner un cadre de gouvernance. Cela suppose de remettre en cause l’organisation institutionnelle actuelle et, pour l’Etat, de faire davantage confiance aux élus locaux. Cela ne va pas de soi dans la région capitale, mais cela ira peut-être plus vite qu’on ne le pense si des décisions courageuses sont prises rapidement. Le dialogue construit avec Paris Métropole, dans le cadre par exemple des contrats de développement territoriaux portera ses fruits, même s’il y aura encore des polémiques et des affrontements politiciens, inhérents à la démocratie !

2- Le logement constitue l’un des grands axes de travail du Syndicat. Quelles sont concrètement les problématiques identifiées et les pistes de réflexion privilégiées par Paris Métropole dans ce domaine ?

Le 27 mai dernier, après plusieurs mois de travail en commission, Paris Métropole adoptait en assemblée plénière son « engagement pour le logement ». Par ce vote, les maires et présidents d’exécutifs s’engagent les uns vis-à-vis des autres à faire en sorte de réunir les conditions d’une sortie de crise. Ils s’adressent également à l’Etat, en pointant un certain nombre de conditions de faisabilité incontournables. Nous appelons à un partenariat réel avec l’Etat, soulevons les questions sous-jacentes sans lesquelles les intentions ne sauraient se concrétiser : financement des équipements induits, méthodes de gouvernance, etc.
Paris Métropole se situe ainsi dans son rôle, permettant la construction de positions collectives afin de porter des propositions directement auprès des acteurs concernés, et au premier lieu auprès de l’Etat.
Les prochains chantiers de Paris Métropole dans ce domaine clairement identifiés : continuer à travailler sur la territorialisation des objectifs de production de logements, en permettant l’échange et la prise de conscience des élus sur la nécessité de construire plus, sur tout le territoire métropolitain. Il s’agit d’un long travail de pédagogie, d’écoute, d’échange d’expériences afin d’aboutir à une prise de conscience. En parallèle, nous engageons un travail avec l’Atelier International du Grand Paris (AIGP), ainsi qu’avec les acteurs économiques (réunis dans notre Comité des Partenaires), afin d’avancer sur les conditions de réussite de ces objectifs : sur les plans de la réglementation, du financement, etc.
Enfin, notre autre chantier est celui de la résorption de l’habitat indigne. Nous voulons proposer à nos membres une « boîte à outils », permettant le partage d’informations (observatoire des hôtels meublés, etc.), à créer des formations, mettre en commun des ressources humaines…

3- Alors que de nombreuses intercommunalités adhérentes ont adopté un PLH, comment et à travers quelle stratégie le Syndicat peut-il parvenir à une « cohérence métropolitaine » ?

Le syndicat, à plusieurs reprises, a souligné la pertinence de l’échelon intercommunal dans le domaine du logement. L’engagement adopté le 27 mai dernier indique que pour Paris Métropole, la seule échelle pertinente pour décliner le projet métropolitain est celle des territoires de projet, d’ores et déjà existants sous forme institutionnelle (communautés d’agglomération ou de communes), associative, ou en cours d’élaboration.
Ceci étant, une compilation à ce jour des PLH à l’échelle de Paris Métropole montrerait que sur son périmètre, l’objectif annuel cumulé de ses membres correspondrait à peu près à la moitié des objectifs de la loi, qui fixe à 70 000 le nombre de logements à produire annuellement sur le périmètre régional !
Notre ambition est de travailler à la fois sur la qualification des besoins en matière de logement pour les Franciliens, au-delà de la seule question du nombre d’unités à produire, et de générer au fur et à mesure une prise de conscience de l’importance du « pas » à franchir pour atteindre l’objectif de 70 000 logements annuels. Il est nécessaire, pour cela, que tous les territoires s’engagent pour une mixité à la fois sociale et fonctionnelle. C’est également un travail de « dentelle », qui permettra d’accompagner les territoires, dans leur diversité, dans la mise en œuvre différenciée selon les problématiques locales d’une politique de construction bien plus importante qu’aujourd’hui.

4- Enfin, vous êtes également le Maire de Sceaux. Quels sont les enjeux du Grand Paris pour votre commune et vos habitants ?

Sceaux est, dans cette démarche, dans une position particulière. Petite ville, elle a été sous-préfecture du département de la Seine, avec Paris comme préfecture. Elle a bénéficié de ce statut : la ligne de chemin de fer dite « ligne de Sceaux », l’implantation du premier « lycée à la campagne » (le lycée Lakanal), le rachat du Domaine de Colbert (devenu le parc de Sceaux), la construction par des familles aisées de Paris de leur résidence secondaire, le dynamisme commercial local, son statut de ville universitaire avec près de 10 000 étudiants accueillis, etc … Tout ceci est lié à l’histoire des relations entre Sceaux et Paris qui ont toujours été excellentes. J’ai d’ailleurs pris l’initiative de publier une étude sur cette histoire (« Sceaux et le Grand Paris »), qui montre combien une petite ville, si elle parvient à mobiliser l’énergie et la compétence de sa population, peut réussir à préserver sa qualité de vie et sa singularité. Pour autant, Sceaux n’est pas isolée. Elle doit aussi participer pleinement à cette démarche métropolitaine, en être un acteur éclairé, manifester sa solidarité avec les autres territoires de la métropole. Faute de quoi elle se banaliserait, et, j’en suis convaincu, perdrait ce qui fait sa singularité tout en n’assumant pas ses propres responsabilités au regard de son histoire. Je crois que les Scéens le comprennent, même si certains en éprouvent de la crainte, compréhensible face à tout changement. Et la démarche métropolitaine est incontestablement un changement, nécessaire et inévitable.

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