Réforme territoriale : de mauvaises réponses à de fausses questions
La réforme territoriale à laquelle l’opinion a été préparée depuis un an par une communication habile et qui vient d’être adoptée par le conseil des ministres sur un véritable malentendu. Les institutions et leurs élus coûteraient cher. Il faut donc les diminuer, comme il faut « clarifier les compétences » et « limiter les financements croisés ». Il s’agit là d’une erreur majeure d’analyse, construite à partir d’idées reçues et à laquelle aucun élu local de bonne foi ne peut adhérer.
Ce qui coûte, ce sont les politiques publiques mises en œuvre. L’action publique est désormais dominée par les transferts sociaux et les services auprès des personnes, et la dépense publique est d’abord faite de prestations : éducation, famille, social. Croit-on que réduire le nombre de conseillers généraux d’un tiers va faire baisser les dépenses liées à l’APA ou au RSA ? En feignant de le croire, on entretient une dangereuse illusion chez nos compatriotes.
La clarification des compétences entre collectivités locales, elle, est très largement réalisée. Aller plus loin, ce serait notamment condamner les petites communes à l’immobilisme et ruiner le monde rural. En réalité, oui, la clarification est nécessaire : avec l’Etat lui-même, qui maintient quantité de services devenus inutiles et demande aux collectivités de payer ce qui lui incombe pourtant, comme les transports à grande vitesse.
La réforme territoriale proposée, même si certains de ses aspects – comme l’achèvement de la carte intercommunale – présente quelques points positifs, apporte surtout de mauvaises réponses à de fausses questions et contribue à saper la confiance envers les élus locaux, désignés comme boucs émissaires de tous les maux. On se demande vraiment ce qu’y gagneront le pays et les Français alors que le risque est immense de « casser » l’infrastructure de la gestion publique quotidienne, celle qui tient encore le territoire.
Ce qui nous manque cruellement, aujourd’hui, c’est une vision claire du partage de la responsabilité de l’action publique entre le pouvoir central et les pouvoirs locaux. Cette faiblesse existe déjà dans le projet de réforme de la taxe professionnelle, exclusivement faite pour les contribuables. Elle se confirme avec le projet de réforme territoriale. Je crains que ce ne soit la source d’une confusion accrue et de grandes difficultés dans l’avenir, que subiront de plein fouet une majorité de nos concitoyens lorsqu’ils seront confrontés à l’effondrement inéluctable des services publics locaux.