Que vive la Métropole du Grand Paris !

Il y a un an, je publiais « Dix clés pour réussir la métropole ». A l’image d’une institution qui peine à intéresser, cette tribune reste l’une des moins lues sur mon blog. Et pourtant, quelle évidence que la création de cette métropole du Grand Paris !

Le processus de métropolisation répond au recentrage des activités autour des grandes villes de la planète. En France, si Lyon et Marseille[1] entendent « challenger » les principales agglomérations européennes, seule Paris centralise suffisamment de richesses humaines et économiques[2] pour « boxer » dans la catégorie des « villes monde ». Ces dernières produisent l’essentiel du PIB international et ont continué de créer des emplois malgré la crise. De Londres à Los Angeles, en passant par Sao Paulo, Shanghai ou Tokyo, toutes sont caractérisées par des flux et des échanges permanents et présentent pour leur population autant d’opportunités que d’incertitudes, de succès que de souffrances.  

Seulement, en France, une métropole ne se mesure pas à son poids économique, humain et culturel, mais à celui de ses représentants politiques. En créant 15 entités administratives baptisées « métropolitaines », dont la près de la moitié sont inutiles – et même 22 demain -, l’Etat en a certainement trop fait sur cette question. Le terme même est aujourd’hui galvaudé, pris désormais comme une énième couche du millefeuille et sujet, à ce titre, à des procès en illégitimité.

En Ile-de-France, face à une Région sur sa garde, la MGP a pris des coups. Pourtant, ces deux institutions sont complémentaires : la métropole est un outil au service de la stratégie là où les collectivités territoriales sont dans la proximité. Ce débat existentiel n’est toutefois pas prêt de s’arrêter, car le favori au mandat de président de la République s’est lui aussi prononcé pour sa suppression. Aussi, avant le gong, il reste encore quelques mois pour défendre un premier bilan plutôt encourageant.

Le nombre important de chantiers ouverts en un an par la MGP répond à ceux qui parlent de « coquille vide ». Sur la consolidation des dynamiques économiques, touristiques et évènementielles, sur la thématique du développement durable et au sujet de la réduction des inégalités entre habitants, du concret a déjà été engagé : appel à projets « Inventons la métropole », versements de subventions issues du fonds d’investissement métropolitain (22 M€), dispositif « Métropole roule propre », guichet unique destiné à attirer les firmes multinationales sur le territoire, intégration aux comités de candidature JO 2024 et Exposition universelle 2025 … Ceux qui n’ont souligné que les concours de miels ont retenu ce qu’ils ont bien voulu !

La mise en place d’une gouvernance et la structuration d’une administration en un temps record à partir de zéro est aussi à mettre au crédit de la MGP. L’esprit de consensus qui a toujours prévalu dans les instances de préfiguration a été globalement préservé par un exécutif qui s’inscrit nettement dans une démarche pragmatique de co-construction respectueuse des équilibres politiques. Malgré l’organisation de l’assemblée métropolitaine par groupes politiques, plutôt étrange et déphasée s’agissant de maires, ces premiers mois ont permis à la métropole de se présenter comme une assemblée de maires, et à son président comme son porte-voix.  

Pour réussir, la MGP devra poursuivre ces efforts sans esquiver les points de blocage qui l’empêchent de réussir pleinement. Nous ne pouvons pas, en effet, envisager les métropoles par le seul prisme de leur positionnement dans le monde. Elles doivent aussi se construire dans la proximité, en répondant aux attentes et aux besoins des habitants.  

Premièrement, l’institution – et c’est un euphémisme – est encore très peu connue des habitants. L’appel à candidatures citoyennes au conseil de développement (Codev) n’a pas déchaîné les foules. L’exigence de proximité appelle à associer citoyens engagés et élus dans une démarche partenariale en « mode projet ». Le Codev, espoir de modernité autant que nécessité démocratique, est en cours de mise en place et se réunira en séance plénière dans quelques semaines. Il pourrait grandement participer à la notoriété de l’institution.

Deuxièmement, les territoires tels qu’ils ont été définis ne fonctionnent pas bien. Sans prendre de gants, en dehors de 2 ou 3 EPT naturels et préexistants, les autres ne répondent pas à l’esprit de la loi Chevènement. Pour que l’intercommunalité fonctionne, il faut que les communes et leurs habitants y trouvent leur intérêt, et il faut une vraie dynamique de projet. Or, ce n’est généralement pas le cas. Trop grands et trop centralisés, les territoires éloignent les habitants de la prise de décisions là où l’intérêt premier des intercommunalités résidait dans une amélioration du service rendu. Les maires n’ont aucune envie de définir et de mettre en œuvre un projet commun de territoire, dont les limites ne correspondent pas, en outre, à un « bassin de vie » pour leurs habitants. Il n’y a pas d’ « affectio-societatis ». Rendons donc aux communes – qui comptent en moyenne 30 000 habitants dans la MGP et donc les compétences techniques nécessaires ! – les PLU (en les encadrant par des SCOT si nécessaire), les compétences de gestion de proximité, les projets d’aménagement qui ne seront pas d’intérêt métropolitain. Et revenons à un modèle plus souple qui laissait aux maires le choix du modèle de coopération et de mutualisation le plus adapté aux particularités locales.

Troisièmement, – et nous l’avions dit – le périmètre de cette assemblée de maires est une hérésie. Roissy, Versailles, Marne-la-Vallée, Saclay et d’autres constituent autant d’endroits contribuant au rayonnement de la capitale. Comment, au vu des compétences définies, imaginer laisser dans leur coin le 2e aéroport d’Europe, deux des trois lieux les plus visités du pays et un futur pôle mondial d’enseignement supérieur et de recherche ? Et dire que certains – dont je fais partie – souhaitaient englober le port du Havre, l’aéroport de Beauvais voire même faire un crochet par l’aire urbaine d’Orléans ! Cette vision n’est pas paradoxale car le fait métropolitain parisien se vit quotidiennement bien au-delà de la petite couronne. Définitivement, la MGP devra a minima renforcer sa collaboration avec les EPCI limitrophes.

Part essentielle de la croissance internationale, terrain privilégié des innovations technologiques et sociales, carrefours des flux humains et de la connaissance, les grandes métropoles incarnent totalement les enjeux du 21e siècle. Elles sont appelées à jouer un rôle de plus en plus important au sein d’un monde dont elles sont ouvertes par nature. Avec Paris, la France a la chance d’avoir un de ces plateaux urbains qui comptent. Notre pays devrait tout faire pour préserver cet avantage comparatif. La MGP est une institution certes encore très imparfaite, mais dévouée exclusivement à cette réussite. Au lieu de cela, entre intérêts politiques personnels et, surtout, méconnaissance des enjeux, nous risquons de nous mettre tous seuls hors course. Fasse que cette année 2017 soit celle non de la disparition, mais de la consolidation progressive et consensuelle de la métropole du Grand Paris, et du retour au bon sens, celui des maires, capables d’identifier collectivement les enjeux à long terme tout autant que de gérer les contraintes quotidiennes des territoires et de leurs habitants.

 

[1] Aire urbaine (millions hab.) : 2,2 (Lyon) et 1,8 (Marseille) ; PIB (mds€): 242,6 (Lyon) et 152,7 (Marseille)

[2] Aire urbaine (millions hab.) : 12,4 ; PIB (mds€) : 631,6 // Avec 10% de la population française regroupée sur 0,14% du territoire la MGP compte pour 14% des emplois et 30% du produit intérieur brut national (chiffres Institut d’aménagement et d’urbanisme (IAU) de la Région Ile-de-France (2016))

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