Projet de loi Grand Paris : une vision productiviste et utilitariste
Le projet de loi gouvernemental, intitulé sobrement – et de façon trompeuse – « Grand Paris » s’annonce pourtant bien. Le premier article du titre 1 rappelle en effet les principaux objectifs du dispositif : répondre aux besoins immédiats des franciliens et des régions limitrophes ; relever les défis économiques, sociaux et environnementaux du développement de la région capitale et, par là, constituer un levier pour le développement du territoire national. Autant de raisons, pour le maire et vice-président de Paris Métropole que je suis, de se réjouir. Mais un examen plus approfondi des articles suivants relègue pourtant ces principes fondamentaux au rang des vœux pieux.
Alors même que le président de la République promeut l’image d’un Etat à l’écoute, ordonnateur de la concertation et du consensus quant au devenir du territoire métropolitain de la région, l’on se rend compte que le projet tel qu’il est actuellement formulé n’a pas fait grand cas de ce préalable. Oui, l’urgence est là, en matière de transports. Et oui, il est bon que l’Etat « revienne » y jouer un rôle. Mais pas comme ça, pas en faisant fi des élus locaux qui se battent quotidiennement pour améliorer le devenir de nos concitoyens. Paris Métropole est le seul lieu de dialogue des élus territoriaux de l’agglomération parisienne qui puisse devenir le partenaire essentiel de l’Etat sur ces questions. Si ce projet de loi doit voir le jour sans que Paris Métropole, où sont représentées de nombreuses tendances politiques et de nombreux types de collectivités via une centaine d’élus du cœur de l’agglomération parisienne, soit associé à son élaboration, c’est un nouveau coup porté à l’endroit de la décentralisation.
La vision que semble porter ce projet de loi est d’abord productiviste et utilitariste. Ce ne sont pas les populations qui vivent, apprennent, travaillent sur le territoire métropolitain qui sont au cœur de l’édifice, mais « seulement » le développement économique. Cela est nécessaire, mais insuffisant. Avec une majorité d’élus locaux, connaissant bien nos territoires et leurs habitants, je déplore le manque d’ambition de ce projet quant à la dimension métropolitaine, et donc urbaine, qu’il est censé porter. La question de la mobilité est essentielle pour « faire la ville ». Mais cette mobilité doit se concevoir globalement, pour tous les actes de la vie quotidienne et pour tous, et pas seulement pour « aller travailler » ou pour faciliter les échanges entre cadres et chercheurs !
Contrairement à ce que voudraient faire croire les élus UMP de Paris dans un communiqué inutilement agressif publié le 9 septembre, il ne s’agit aucunement pour les élus de Paris Métropole de refuser tout changement et toute évolution. Bien au contraire. Nous déplorons que, depuis près de 30 ans, rien de significatif n’ait été fait pour les transports en commun dans l’agglomération parisienne. Et c’était bel et bien l’Etat – qu’il soit dirigé par la gauche ou par la droite – qui était aux commandes des transports franciliens pendant 90% de cette période ! Il ne s’agit pas non plus, de notre part, d’une position « provocatrice » ou « systématiquement critique » : voici plus de deux ans que les élus locaux de l’agglomération travaillent sur ce dossier, notamment au sein de la Conférence métropolitaine. Jamais nous n’avons rencontré l’intérêt des élus de l’opposition parisienne qui ont toujours fait mine d’ignorer le fait métropolitain. Et bien ce que disent aujourd’hui les élus de Paris Métropole, c’est que ce fait métropolitain existe et qu’il entend participer pleinement à tout projet visant à développer le territoire de l’agglomération et à améliorer les conditions de vie quotidienne des habitants, ceci au côté, et certainement pas « contre », l’Etat. Il me semble d’ailleurs que c’est très exactement ce que le président de la République a souhaité lors de son discours de Chaillot le 29 avril dernier.
Un mot enfin, sur l’emploi abusif de la notion de Grand Paris dans ce projet de loi. L’expression apparaît à la fin du XIXème siècle et recouvre une réalité territoriale complexe riche d’une longue histoire, totalement éclipsée, certes, depuis 1964, et que je suis heureux d’avoir contribué à remettre progressivement à l’ordre du jour depuis 2001. Une réalité qui ne peut se résumer à la création d’une « société » qui s’emparerait de la seule question des transports. Il est urgent de prendre de la hauteur et de méditer cette phrase prononcée par André Morizet en 1932 : « Habitants du Grand Paris, mes frères, notre succès est en nous ! ».
Retrouvez une interview en ligne à propos de la réforme des collectivités et du projet de loi Grand Paris sur le blog « paris est ma banlieue ».