Pour bien commencer l’an neuf…

Pour bien commencer l’année 2009 qui s’annonce chargée sur le plan des réformes et des réflexions en tous genres dans le secteur public local, voici cinq lieux communs entendus fréquemment, la plupart du temps proférés par celles et ceux qui n’ont jamais – ou de très loin… – exercé de responsabilité de gestion d’une collectivité locale, et la réponse – un peu caricaturale également, j’en conviens – que je leur oppose. Un avant-goût d’un ouvrage qui devrait paraître au cours du premier semestre prochain … et une façon de vous souhaiter à toutes et à tous – malgré la mauvaise foi et les bêtises – une excellente année 2009 !

Lieu commun n°1 : il y a trop de communes en France.

Il y en a beaucoup, en tout cas. Et alors, ça gêne qui, exactement ? 500 000 élus locaux qui donnent un peu de leur temps à représenter des populations – pas forcément nombreuses – et des territoires – parfois très étendus -, la plupart du temps bénévolement, là où il faudrait de toute façon des agents salariés, c’est un problème pour qui ? Pour la rationalité française ? Mais justement, c’est toute la richesse de la France, ces 36 000 communes qui d’ailleurs défusionnent même parfois. La preuve que les Français y sont attachés, à ces communes et à ces maires et conseillers municipaux. Les petites communes ne représentent – malheureusement – que des budgets dérisoires par rapport aux masses d’argent public dans ce pays. Elles ne peuvent pas réaliser grand-chose hors l’intercommunalité. Mais elles existent et font ainsi exister leur territoire. Qu’on les laisse vivre, et qu’on les laisse imaginer avec leurs voisines des coopérations multiformes pour leur développement et la solidarité de leur population.

Lieu commun n°2 : tout le monde s’occupe de tout, ça coûte très cher

Ce lieu commun est entendu fréquemment chez quelques parlementaires UMP, style « porte-parole ». Du genre qu’on écoute attentivement, car on se doute bien qu’ils préparent l’opinion à des évolutions voulues au plus haut niveau et essaient de dicter sa copie à la commission Balladur.
C’est assez ennuyeux de considérer ce lieu commun comme une vérité révélée … car il est absolument faux. On sait très bien qui s’occupe de quoi, il suffit de lire à la fois les textes et les comptes-rendus des différentes assemblées.
Pour chaque prestation, il y a une collectivité qui décide et qui gère, même si elle « sous-traite » parfois à d’autres, dans un cadre conventionnel précis.
Pour chaque investissement, il y un et un seul maître d’ouvrage, qui réalise un « tour de table » de financement, mais décide ensuite pendant toute la réalisation. Ces financements dits « croisés » – une insulte au bon sens cartésien, selon certains – sont au contraire fort utiles, car ils supposent que le projet en question a fait l’objet d’un examen par plusieurs équipes techniques et politiques, et donc présente une forte pertinence.
Ce qui coûte cher, ce n’est pas le fonctionnement lui-même des collectivités locales, ce sont les politiques publiques qu’elles mettent en œuvre sans souvent les décider elles-mêmes. Plaçons les élus locaux en situation de plus grande responsabilité fiscale et autonomie décisionnelle, et on verra que ces politiques publiques, mieux adaptées au terrain, seront plus efficaces parfois pour moins cher.
Mais ce serait demander au pouvoir central français de renoncer à ses prérogatives normalisatrices et unificatrices, et de reconnaître que la notion d’intérêt général peut se partager. Autant dire, pour le coup : « mission impossible » !
En réalité, s’il y a un acteur qui s’occupe de tout et ne devrait plus le faire, c’est bien l’Etat, qui maintient contre toute logique et contre toute acceptation sincère du fait décentralisateur des services totalement inutiles aux seules fins de contrôle de l’action des collectivités locales.

Lieu commun n°3 : les prélèvements obligatoires sont trop élevés en France

Certes, ils sont élevés. Mais le service rendu en contrepartie est aussi élevé, davantage que dans les autres pays, en particulier dans le domaine social. Car c’est du social que viennent les différences : les impôts pour le fonctionnement de l’Etat et des collectivités locales sont même inférieurs en France à ce qu’ils sont aux Etats-Unis ramenés en points de PIB !
Concernant le social, aucun pays n’a une politique aussi développée (hormis les pays nordiques) : la couverture santé, la retraite par répartition (qui ne rend pas le montant des retraites dépendantes des cours de bourse ou de courtiers véreux), la politique familiale sont financées par des prélèvements obligatoires. Pour avoir le même niveau de service ailleurs, il faut acheter des assurances volontaires, qui ne sont pas comptabilisées dans les prélèvements obligatoires.
Et d’ailleurs, comment expliquer qu’en France les ménages se voient prélevés beaucoup (impôts et cotisations sociales), consomment normalement … mais, malgré cela, réussissent quand même à avoir l’un des taux d’épargne les plus élevés du monde ? Etonnant, n’est-ce-pas ?

Lieu commun n°4 : le système des collectivités locales est illisible pour le citoyen

Est-on vraiment certain que le citoyen est aussi perdu qu’on le dit généralement, et est-on vraiment certain que le citoyen (à qui on fait dire beaucoup de choses pourvu qu’elles servent le discours dominant) soit réellement préoccupé de cette affaire ?
S’agissant de ce qui se passe sur un territoire, que ce soit en terme d’investissement ou de prestations rendues, la citoyen a d’abord le réflexe d’aller à la mairie, sorte de guichet unique, ou de s’adresser au maire pour lui faire part de ses demandes ou critiques à l’égard de tout problème. Et il comprend généralement assez bien ce qu’il en est ensuite. Notons d’ailleurs que toute action faisant l’objet d’une collaboration entre plusieurs collectivités, surtout lorsque ces collectivités sont dirigées par des majorités non politiquement identiques, est généralement bien perçue par les citoyens, comme une marque de sens des responsabilités.

Lieu commun n°5 : il ne faut plus que le département et la région puissent s’occuper de tout

En langage étatique, cela s’exprime ainsi : il faut supprimer la « clause générale de compétence » pour le département et la région. Même des décentralisateurs sincères sont convaincus de la pertinence de cette évolution !
S’ils parvenaient à leur fin, ils signeraient ainsi l’arrêt de mort, à terme, des libertés politiques locales dans notre pays et le retour à un régime d’Etat autoritaire. La nomination des exécutifs locaux par le pouvoir central ne sera plus très loin. Ne voient-ils pas en effet que la « clarification des compétences », la « spécialisation des politiques publiques », conduit tout droit vers une prise en main totale du pouvoir central qui conduira à transformer en simples « agences » les collectivités territoriales actuelles, chargées de gérer des dossiers pour le compte des ministères qui fixeront les règles et les modalités ? Et que, pour gérer des agences, il n’y a nul besoin d’élus, mais d’administrateurs zélés. Ce sera la fin de l’exécutif départemental et régional aux élus et le retour à la situation d’avant 1982. Certains préfets – pas tous, loin de là – en rêvent tout haut. Et les Français, ils en penseront quoi, le jour où les collectivités locales se contenteront de faire ce qui leur est strictement imparti par la loi ? Car il faut rappeler qu’à l’heure actuelle, des pans entiers du service public local sont effectués en dehors de toute obligation, aussi importants que l’accueil de la petite enfance, la création et la gestion d’équipements culturels et sportifs, la présence de personnel dans les écoles au-delà du simple nettoyage des locaux, l’animation des communes, etc … C’est le jour où ça s’arrête que l’on comprend combine c’était important pour la vie quotidienne. Mais il risque d’être alors trop tard …
Si le principe de spécialité se conçoit pour un établissement public (y compris les communautés), une assemblée élue au suffrage universel ne peut pas accepter de voir ses prérogatives ainsi limitées. Ce serait une faute politique contre la démocratie. Empêchons cette folie, ce retour en arrière dramatique pour le pays et les Français, et utilisons la responsabilité fiscale pour limiter si nécessaire les ambitions de certaines assemblées. Ce qui est aujourd’hui urgent, c’est une réforme fiscale profonde, sans tabou, qui dote les pouvoirs locaux de ressources et de responsabilité.

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