Moi, j’m’amuse …

J’ai choisi de m’investir localement parce que ça m’amuse, et nationalement, parce que ça m’intéresse”. Qui parle ainsi ? Quel est l’homme politique national, archi-connu, que la gestion territoriale “amuse” et que la politique nationale “intéresse”, autre façon de dire que la première ne l’intéresse donc pas, mais le divertit, en quelque sorte ?

Façon aussi de dire qu’en définitive, ce qui est sérieux se passe au national, alors que les débats locaux et les décisions prises par les assemblées locales ne sont qu’un aimable “amusement”. Les élus locaux de France, ceux qui ont façonné au quotidien nos territoires, y consacrant souvent une bonne partie de leur vie et de leur énergie, en résistant bien souvent aux blocages d’en haut et au mépris de l’appareil d’Etat, apprécieront la nuance.

Celui qui s’exprime ainsi est un ancien Premier ministre, puis ministre d’ l’Economie et des finances, socialiste. Il s’était déjà illustré dans sa conception toute jacobine de la décentralisation en supprimant, en 2001, un impôt local, la vignette automobile, et en la remplaçant par une dotation d’Etat, diminuant du même coup l’autonomie fiscale des départements et augmentant d’autant le déficit de l’Etat. Une fameuse affaire et une idée lumineuse s’il en est ! Le geste, manifestement électoraliste, n’empêcha le candidat socialiste, Lionel Jospin, d’être éliminé dès le premier tour de l’élection présidentielle suivante, en 2002 … Cet homme politique de gauche de premier plan, c’est Laurent Fabius, qui s’est exprimé ainsi dans le Monde en date du 10-11 octobre 2010 (page 11), à l’occasion d’un reportage qui lui était consacré dans sa vie d’élu local, et notamment de président de la communauté d’aggloméartion de Rouen-Elbeuf- Austreberthe. Un mandat qui, faute a priori de l’ « intéresser » – puisque c’est autre chose qui l’intéresse de son propre aveu -, l’ « amuse » …

Dans une précédente note, je m’interrogeais sur la capacité de la gauche, si elle revenait au pouvoir, à renouer avec une décentralisation authentique, mobilisant toutes les énergies locales pour un redémarrage du pays. Avec de telles déclarations, emplies de condescendance, d’un des principaux leaders socialistes, mon interrogation redouble. Et avec elle, mes inquiétudes … que je sais partagées par de nombreux élus locaux socialistes, même s’ils ne l’admettront pas aisément et en tout cas pas en public !

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