Logement et urbanisme en Ile-de-France : quelques réflexions …
Entretien avec Pierre CHEMINADE, agence AULH, janvier 2010
AULH : Bertrand Delanoë propose d’organiser « un projet commun en matière de logement à l’échelle des 105 collectivités » de Paris Métropole via une mise en commun des PLH (plans locaux de l’habitat). Qu’en pensez-vous ?
Philippe Laurent : C’est une affaire assez complexe. Je continue de penser que dans l’acte de construire, l’intervention du maire est primordiale. Lui seul a la maîtrise du sol, des permis de construire et connaît assez bien sa commune pour assurer une cohérence de la ville. L’application du PLH doit donc passer par l’échelon communal. C’est encore plus vrai en Île-de-France où il y a peu d’intercommunalités. Elles ont moins de légitimité que le maire aux yeux des habitants pour agir en matière d’urbanisme et de logement. De plus, l’expérience montre que les PLH intercommunaux ne sont souvent qu’une simple addition des volontés et ne présentent pas de vraie intégration.
AULH : Quel est alors l’objectif de Bertrand Delanoë ?
Philippe Laurent : Un des premier soucis de Paris Métropole, dont je suis l’un des vice-présidents, est de voir si les PLH d’Île-de-France sont compatibles avec l’objectif du Sdrif (Schéma directeur de la région Île-de-France) de construire 60 000 nouveaux logements par an et celui de Nicolas Sarkozy (70 000 nouveaux logements par an). Ensuite, se posera la question des acteurs à mobiliser pour atteindre ces objectifs. À mon sens, c’est une erreur de vouloir créer des organismes de logements sociaux trop grands, qu’il s’agisse d’OPH (Offices publics de l’habitat) ou de SA HLM [comme le prévoit le secrétaire d’État en charge du Logement et de l’urbanisme]. Il faut un maillage sur tout le territoire entre grosses structures et acteurs de proximité parce que les grands acteurs auront du mal à trouver le foncier diffus disponible dans les villes. Je pense qu’un quart des logements à construire et à réhabiliter se trouve dans le travail du maire pour récupérer des logements : un logement par ci, un logement par là. On n’en tient pas assez compte alors que c’est un travail très riche sur le plan de l’urbanisme et de l’intégration urbaine.
AULH : Qu’en est-il des financements ?
Philippe Laurent : Aujourd’hui, on a atteint le summum de la complexité dans le financement du logement social à cause du nombre d’acteurs. Il faut séparer la phase de financement et la phase de réalisation. Il faut gérer le financement du logement, social ou pas, à un niveau élevé, comme l’État ou la région, et pas au niveau du département et des communautés d’agglomération. En revanche, la phase de réalisation doit se faire par un mélange de grands acteurs et d’acteurs plus petits, dont le maire.
AULH : Comment envisagez-vous l’avenir de la cité universitaire d’Antony qui est au coeur d’une querelle entre la CAHB (Communauté d’agglomération des Hauts-de-Bièvre), dont vous êtes vice-président, et la région Île-de-France ?
Philippe Laurent : Il faut d’abord préciser que la CAHB est la seule communauté d’agglomération en France à avoir pris la compétence du logement étudiant [la CAHB est actuellement propriétaire des bâtiments]. La cité universitaire d’Antony disposait de locaux très intéressants avec notamment des parties communes pour les étudiants. Cependant, il y a eu un gros problème de gestion et d’entretien depuis sa création. C’est un énorme gâchis avec une responsabilité générale de tous les acteurs depuis trente ans. Il y a quelques années, l’objectif était de tout détruire, aujourd’hui plus de la moitié des logements seront conservés. On est arrivé à un compromis.
AULH : Des constructions sont-elles programmées pour compenser la disparition des chambres étudiantes de la cité d’Antony ?
Philippe Laurent : Les communes voisines, dont la mienne, se sont engagées à construire rapidement du logement étudiant pour conserver en gros la même capacité sur le territoire de la CAHB. En revanche, les futurs logements à Sceaux seront destinés en priorité aux étudiants inscrits dans un cursus implanté à Sceaux (facultés, classes prépa, etc.).
AULH : Benoist Apparu, secrétaire d’État au Logement et à l’Urbanisme, affirmait cet été que le permis de construire est trop « compliqué » et que le chef de l’État souhaite « simplifier les règles actuelles de l’urbanisme » qui seraient un « frein à la construction ». Soutenez-vous cette démarche du gouvernement ?
Philippe Laurent : Je ne vois pas en quoi les permis de construire sont « compliqués ». Il faut bien comprendre que l’acte de construire n’est jamais anodin et mérite d’être encadré, que ce soit pour un particulier ou une collectivité. C’est un acte qui engage la physionomie urbaine pendant longtemps. La procédure du permis de construire n’est pas complexe. Ce qui est compliqué, c’est la capacité des maires à expliquer leur vision de la ville et à convaincre les différents acteurs. D’autre part, le recours à un architecte me paraît absolument indispensable dans la très grande majorité des projets.
AULH : Le gouvernement met notamment en avant la nécessité d’aller plus vite pour construire des équipements publics …
Philippe Laurent : Mon expérience, c’est que l’on peut construire un équipement public, comme une piscine ou une crèche, en moins de quatre ans. Effectivement les recours peuvent compliquer la démarche et prendre du temps, mais tout dépend de la volonté politique pour créer un projet fédérateur, de la cohérence et des moyens engagés. D’autant que les collectivités peuvent compter sur les CAUE (Conseils d’architecture, d’urbanisme et d’environnement), qui sont là pour les conseiller et les accompagner sur la maîtrise d’ouvrage et éventuellement leur apporter des connaissances en matière culturelle et architecturale. C’est une action positive et importante.
Reproduit avec l’aimable autorisation de AULH