Les enjeux des finances locales avant le Congrès des maires de France
Entretien avec Le Conseiller général magazine, octobre 2011
En cet automne 2011, quelle est votre analyse de la situation des collectivités locales et territoriales, notamment, des départements, en France ?
Cette situation est contrastée. D’une part, les « fondamentaux » globaux restent plutôt bons, comme l’a montré la publication de l’Observatoire des finances locales en juillet dernier. La capacité d’autofinancement de l’ensemble des collectivités locales reste élevée. Le niveau d’investissement reste soutenu – même s’il connaît une nette diminution en 2010 et sans doute en 2011 – et est financé de façon saine, puisque l’emprunt n’intervient qu’à hauteur de 20% des investissements. Et rappelons la « règle d’airain » – bien plus contraignante que la fameuse « règle d’or » – des finances publiques locales : l’emprunt ne peut servir qu’à financer l’investissement. Cette règle est respectée par chacune des collectivités.
Mais, d’autre part, les perspectives sont sombres. La suppression de la taxe professionnelle pourrait avoir cassé la dynamique des ressources locales, que les élus ne maîtrisent plus. Et les charges contraintes connaissent une pression à la hausse : dépenses sociales, Grenelle de l’environnement, sécurité, … On ajoutera la nécessité de rénover des équipements d’infrastructures réalisé dans les années 50 à 70, qui arrivent à obsolescence (et notamment réseaux et bâtiments), ce qui va représenter une charge très élevée.
Quant aux départements, ils ont connu un répit grâce à la remontée des droits de mutation, mais ce répit sera de courte durée. Ils sont sans aucun doute la catégorie de collectivités dont les finances sont les plus tendues. Leur seul marge de manœuvre est de diminuer leur soutien aux communes et communautés, ce qui est d’ailleurs en cours et va peser sur les territoires.
Que faut il attendre de la création d’une future agence de financement des collectivités locales et territoriales?
Nous sommes aujourd’hui victimes d’une forme de « chantage » des banques. Celles-ci, après nous avoir démarchés de façon parfois agressive, notamment pour « placer » les fameux produits structurés, nous disent aujourd’hui être soumises aux nouveaux ratios prudentiels et ne plus pouvoir nous prêter. Or, la liquidité existe, et chacun reconnaît que le secteur public local français reste un excellent risque de crédit. En réalité, certaines banques tentent de faire pression sur le monde politique pour qu’il fasse évoluer en leur faveur la règle de dépôt obligatoire des fonds libres au Trésor. Nous ne sommes pas d’accord sur cette évolution et souhaitons garder cette règle. Dans ce contexte, la création d’une agence de financement nous permet de trouver une alternative au financement bancaire et de nous en rendre moins dépendants. C’est une excellente chose. Pour ma part, je promeut cette idée depuis plus de dix ans, et je note qu’elle fait aujourd’hui consensus, y compris dans le monde bancaire !
Quels grands principes une collectivité doit-elle respecter, pour réduire le risque financier et disposer d’une bonne visibilité?
Le respect sincère de la règle rappelée ci-dessus d’équilibre budgétaire, imposée à chaque collectivité locale sous la surveillance du préfet et de la chambre régionale des comptes, semble en soi suffisant pour éviter le risque de « faillite » d’une collectivité. Encore faut-il se donner les moyens non seulement de la respecter aujourd’hui, mais aussi dans les années qui viennent. Pour cela, il convient d’apprécier raisonnablement la dynamique des recettes – qu’on connaît mal depuis la suppression de la taxe professionnelle – et des dépenses – qui dépend en partie de la situation générale économique et sociale. La recherche d’une meilleure « performance » des services publics – organisation, renégociation des contrats, simplification, mutualisation éventuellement – doit être permanente. Sans oublier que l’objectif premier reste de fournir au meilleur coût des services collectifs de qualité, accessibles à tous et permettant à tous une vie meilleure. « Faites nous une bonne politique et je vous ferai de bonnes finances ». La fameuse phrase du baron Louis trouve toujours à s’appliquer …
Au cours des mois à venir, dans ce domaine, à quels faits ou initiatives vous montrerez-vous attentif à cet égard?
Nous serons évidemment attentifs aux discussions autour du projet de loi de Finances pour 2012, qui prolonge le gel des dotations d’Etat et instaure le mécanisme de péréquation horizontale pour le bloc communal. Comme souvent en finances locales, « le diable est dans les détails » …
Nous serons également très vigilants et actifs sur la question de l’accès à l’emprunt, car la future agence ne sera opérationnelle que dans un an. Il faudra d’ici là assurer la liquidité des 20 milliards d’euros d’emprunts annuels dont les collectivités ont besoin, spécialement en fin d’année.
Nous aurons aussi à entamer – je l’espère en bonne collaboration avec l’Etat – l’évaluation de la réforme fiscale de 2009, dont nous n’avons pas encore appréhendé tous les effets.
Et nous suivrons de près les dossiers qui présentent un enjeu fort pour les dépenses locales : l’avenir du financement de la dépendance, les textes issus du Grenelle de l’environnement, la question des normes, etc…
D’autres dossiers, moins médiatisés, doivent aussi faire l’objet de nos travaux : la révision des valeurs locatives, un chantier déjà lancé à titre expérimental, la qualité et la fiabilisation des comptes publics, l’approfondissement des relations avec les comptables publics, etc … Sur tous ces dossiers, les enjeux sont importants, car ils conditionnent la qualité du service public local de demain.