Les destructeurs de paysages

Je viens de passer quelques jours dans le sud-ouest, dans cette vallée de la Garonne entre Aiguillon et Agen, où je venais enfant et adolescent pendant les deux mois d’été, alors que les cueillette des pêches brugnons et poires battait son plein dans l’exploitation agricole de mes oncles. Depuis, ils se sont convertis aux kiwis, en bâtissant une énorme entreprise de production et de conditionnement de ces fruits un temps nouveaux, aujourd’hui tellement banals …

je n’ai pu que constater, avec désolation, la destruction de ce paysage de la vallée par le maïs omniprésent et, fait plus nouveau, l’existence de gravières qui viennent dépouiller le sol pour tant si fertile et créer des lacs artificiels dont on ne saura pas qui faire. Là où s’alignaient des vergers de pêchers et de pommiers, voici un paysage banal, où les seuls reliefs sont ces immondes rampes à irrigation qui recyclent l’eau du canal et du fleuve pour faire éclore ces épis de maïs qu’aucun promeneur ne va jamais cueillir. Me reviennent en mémoire ces fruits gorgés de soleil et de sucre que l’on croquait à peine cueillis de l’arbre … Le maïs, lui, ne demande pas beaucoup de travail, de l’eau, une moissonneuse et servira à faire de la farine pour nourrir des animaux … rien à voir avec l’arboriculture ou le maraîchage, pourtant si bien adaptés à la richesse des alluvions de la Garonne … quel progrès ! Fort heureusement, sur les coteaux environnants, la vigne a résisté et la forêt s’étend. La vigne, grâce au vin et au travail de marketing de la cave coopérative de Buzet. la forêt, malheureusement un peu triste avec ses pins alignés qui tombent comme des quilles lors des tempêtes.

Sans doute sommes-nous tous un peu coupables de cet état de fait, par ignorance, lâcheté, facilité, refus de nous battre pour maintenir une agriculture française respectueuse de nos paysages et de notre environnement. Moi-même, qui ai longtemps aimé parcourir les champs, j’ai depuis trente ans négilgé de m’intéresser à l’avenir de ce petit territoire de France, trop mobilisé par le territoire urbain dont j’ai la charge et par la quête des responsabilités « à la capitale ». Finalement, j’aurais aussi aimé être élu de ces cantons. Mais aurais-je réagi différemment de mes collègues maires de ces petites communes, sous la pression économique des groupes exploitant les sablières et de la grande industrie agro-alimentaire ? Aurais-je eu la force de m’opposer à ces immondes blessures de la terre, qui rapportaient quelques subsides pour maintenir l’école du village ? Aurais-je dénoncé les enfants d’agriculteurs vendant les terres sur lesquelles ils avaient vécus jeunes, mais dont l’exploitation coûtait plus cher qu’elle ne rapportait s’il s’agissait de faire des fruits et légumes ? Me serais-je battu contre cette politique agricole commune destructrice de paysages, inadaptée à nos territoires, et que nos dirigeants ont soutenu et continuent de soutenir par manque total de clairvoyance, de compétence et d’intérêt pour la chose ? Peut-être pas.

Ce dont je suis maintenant certain, en revanche, c’est que, que cela plaise ou non, y compris à mes concitoyens citadins, je saisirai toutes les occasions pour dire mon indignation de tout cela et mon refus que cette destruction des paysages se poursuive. Et que j’agirai aussi, si j’en ai l’occasion, en conséquence.