Les collectivités locales ont besoin de cadres supérieurs !

Voici un peu plus d’un an, le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) adoptait à l’unanimité un rapport sur l’avenir de l’encadrement supérieur dans les collectivités territoriales « dans une République décentralisée ». Depuis, quelques timides avancées ont été proposées, accompagnant une réforme de la catégorie A loin d’être aboutie à ce jour.

Pour autant, compte tenu du contexte dans lequel évoluent les collectivités territoriales (rétrécissement des marges de manœuvre budgétaires, perspective de bouleversements institutionnels, nouvelles relations public-privé, etc.), la prise de conscience de l’ampleur des besoins reste insuffisante, tant par l’administration centrale que par les employeurs eux-mêmes. L’un des principaux dangers est en effet que des carrières insuffisamment attractives ne viennent dissuader les cadres de rester au sein de la FPT, privant ainsi les collectivités territoriales des capacités indispensable de maîtrise d’ouvrage.

Il convient d’abord de dresser à nouveau le constat de ce que la décentralisation doit à l’apport d’une FPT structurée, formée et offrant de réelles opportunités de carrière. Dans cet esprit, la construction statutaire, fruit des lois de 1984 réformées, a incontestablement permis un équilibre entre la logique de carrière et l’autonomie de gestion des employeurs. Cela a particulièrement été vérifié pour les postes d’encadrement, où la mobilité est la plus forte.

Mais on doit s’inquiéter de la tension prévisible dans les prochaines années sur le « marché » des cadres territoriaux, qui peut aller de pair avec une diminution de la diversité au sein même des cadres dirigeants, avec l’arrivée à la retraite des forts contingents de cadres intégrés lors de la constitution des cadres d’emploi et donc d’origines diverses. Les collectivités territoriales doivent pourtant disposer d’une capacité d’expertise propre, afin de participer pleinement non seulement à la mise en oeuvre des politiques publiques, mais aussi à leur élaboration, de définir les cahiers de charges et d’en contrôler l’exécution dans les partenariats public-privé.

Dans un environnement de plus en plus complexe et tendu, les collectivités territoriales doivent disposer de personnels d’encadrement et de direction générale spécifiques, disposant d’une expérience au sein même de la FPT et d’une « culture » profonde de la gestion publique territoriale : les cadres supérieurs ne doivent pas constituer une « caste » coupée des autres cadres territoriaux. C’est en cela que la question concerne aussi fortement les exécutifs territoriaux.

Se pose en outre la question de la différenciation croissante entre le cadre supérieur de collectivité locale, tourné vers la réflexion stratégique, l’expertise technique et le management, avec de fortes préoccupations opérationnelles et la gestion des relations avec les élus, et le cadre supérieur de l’Etat, en charge de missions de plus en plus régulatrices et normatives, précisément placé dans une hiérarchie figée. En clair, la comparabilité est-elle encore d’actualité ? Et si oui, quelle comparabilité ? Cette interrogation prend toute son importance à l’heure où l’Etat semble considérer les collectivités territoriales comme un débouché naturel pour ses propres cadres en surnombre …

Des pistes d’action existent ont été esquissées dans le rapport présenté au CSFPT et doivent maintenant être approfondies. Elles portent d’abord sur le renforcement de la formation et de la diffusion du savoir-faire des cadres dirigeants, ainsi que l’activation d’un réseau professionnel dynamique (renforcement des moyens de l’INET, développement et adaptation de l’offre de formation, proposition de création d’une agence de l’administration territoriale pour aider, conseiller, capitaliser et diffuser l’expertise, …).

Il s’agit ensuite de mieux reconnaître et de valoriser la fonction de cadre dirigeant,  avec notamment la promotion d’un égal accès des hommes et des femmes aux emplois supérieurs de direction, la mise en place d’une gestion nationale des cadres A+, une amélioration de la fin de détachement, une clarification des délégations aux DGS et DGA, la diversification de l’accès aux cadres d’emplois A+, l’amélioration de la fin de carrière des ingénieurs, la création d’un examen professionnel pour l’accès à la promotion interne …

Il faut enfin relever le défi majeur de l’attractivité de la fonction publique territoriale pour les cadres dirigeants, avec notamment la promotion de l’image des collectivités locales, la sensibilisation des associations d’élus à la dimension « ressources humaines » de leurs mandats et l’évaluation de l’impact de la législation européenne sur le droit de la fonction publique.

Il n’y a aucun doute : l’avenir et l’approfondissement de la décentralisation et la qualité du service public local dépendent d’abord des hommes et des femmes qui font la fonction publique territoriale. Celle-ci a besoin de cadres dirigeants fortement engagés, formés et mobilisés. Tous les employeurs territoriaux doivent, eux aussi, en être pleinement convaincus afin de mieux porter ces exigences auprès du Parlement et de l’administration centrale.

Tribune parue dans La Gazette des communes du 19 avril 2010.

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