Le Parlement européen, c’est l’Europe des peuples !
Cette tribune est publiée quelques jours avant l’élection des représentants français au Parlement européen.
Entre le 22 et le 26 mai 2019, tous les peuples membres de l’Union européenne sont appelés à renouveler le Parlement européen. C’est une élection importante, à laquelle chaque citoyen doit participer. Le Parlement européen a vu, au fil du temps, ses pouvoirs se développer, et c’est tant mieux. Il détient de plus en plus de capacités d’initiative et de contrôle. Le Parlement européen, de ce point de vue, constitue une expression démocratique directe des peuples européens. Dans ce sens, aller voter le 26 mai, c’est renforcer le Parlement et donc la démocratie européenne. C’est, au-delà de l’Europe des Etats, participer à la construction de l’Europe des peuples.
C’est, j’en suis convaincu, ce que voulaient profondément ceux qui, par la déclaration Schuman du 9 mai 1950, ouvraient une ère inédite de paix, de coopération et de prospérité en Europe. Notre responsabilité, aujourd’hui, c’est de poursuivre cette construction exigeante et passionnante en nous inspirant des mêmes valeurs humanistes et universelles, bien au-delà des seules questions économiques :
– promouvoir une solidarité équilibrée et un développement économique et social maîtrisé et durable préservant les ressources naturelles,
– constituer un vrai rempart contre l’autoritarisme et défendre les libertés individuelles et collectives,
– donner la priorité à l’éducation de tous et permettre l’épanouissement culturel et l’expression de la créativité de chacun,
– encourager l’innovation et l’intelligence collective pour le progrès de tous les peuples.
C’est cette Europe que veut une majorité d’Européens, une Europe qui (re)devienne une référence pour le monde, s’appuyant sur des siècles de civilisation, promoteur de la paix universelle. Il ne faut jamais oublier combien la paix, qui nous paraît si naturelle aujourd’hui entre les peuples européens, combien cette paix est fragile. Ne jamais oublier combien elle peut être menacée de l’extérieur et de l’intérieur, combien nous avons encore tellement besoin d’Europe, d’une vraie Europe politique, pour la préserver. Car cette paix, qui seule permet le bonheur des peuples, est probablement notre bien le plus précieux.
Naturellement, défendre et promouvoir la construction européenne, ce n’est certainement pas se satisfaire du fonctionnement actuel des institutions, ni même de l’équilibre de leur pouvoir, tant il est vrai que l’équilibre des institutions européennes est loin d’être parfait et de garantir l’exacte prise en compte de la volonté des peuples. Le Conseil européen – donc les Etats – domine trop largement la Commission et la politique européenne, et l’image technocratique et parfois déconnectée alimente à foison l’euroscepticisme.
Le tournant du recul relatif à l’adhésion à la construction européenne me semble dater du milieu des années 2000, avec l’arrivée de José-Manuel Barroso à la présidence de la Commission. La politique de concurrence, initialement voulue pour protéger le consommateur, s’est progressivement mise au service trop exclusif des entreprises et de l’affadissement des services publics. Et même su ce n’était pas l’intention initiale, en tout cas, les peuples l’ont perçu ainsi, compte tenu d’une communication et d’une pédagogie défaillantes de la part de l’Union. Car le peuple l’a très vite compris : il rejetait, pour cette raison notamment, le projet constitutionnel par référendum en 2005 !
Il convient donc aujourd’hui de réaffirmer la primauté accordée aux valeurs communes indissociables de la construction européenne qui a permis d’assurer la paix sur le continent européen, ce qui pourra réenclencher un processus d’adhésion populaire et encourager le sentiment de citoyenneté européenne, en accordant des moyens adaptés à tous les programmes favorisant la mobilité, les échanges et le vivre ensemble.
Enfin, l’Europe doit bien plus résolument prendre le leadership d’un modèle social et économique qui place au centre des politiques la question environnementale, en tenant compte de la révolution numérique et de la concurrence mondiale. C’est un enjeu crucial pour sa propre économie et pour assurer la pérennité du tissu industriel et social. Sans cela, les objectifs climatiques de la COP 21 n’ont naturellement aucune chance d’être atteints au vu du contexte international.
Dans ce cadre, les défis auxquels l’Europe est confrontée peuvent probablement être, en partie, résolus par l’action des collectivités locales et régionales et la contribution des services publics locaux. L’Europe doit devenir plus « inclusive », plus protectrice et plus proche des citoyens, en construisant un réel « modèle social européen » se fixant pour objectif la « prospérité pour tous », prenant naturellement en compte les exigences et les urgences de la transition écologique. La politique de cohésion de l’Union est au cœur de ce modèle social inclusif. Elle doit être dotée d’une nouvelle ambition et être renforcée à hauteur des enjeux et des attentes. Cette ambition se construira au niveau des territoires, en s’appuyant notamment sur des services publics forts, efficaces, transparents et considérés de nouveau comme l’un des piliers indispensables de la construction européenne.
En tant que président de l’Association française du conseil des communes et régions d’Europe (AFCCRE), j’ai fait le choix, comme beaucoup d’autres élus, de faire vivre le projet européen sur le terrain, dans la proximité avec nos citoyens, et en même temps de proposer aux Européens un projet d’avenir dans lequel ils pourraient se reconnaître. Voter le 26 mai, et bien voter, c’est se donner une chance de voir se mettre en œuvre ce projet et renouer avec l’enthousiasme européen. Car très franchement, et sans douter de la bonne volonté de celles et ceux qui exercent le pouvoir national, peut-on réellement être certain qu’une fois l’élection acquise, ils ne retomberont pas dans le travers qui a conduit à l’échec, à savoir de faire toujours primer la volonté et, d’une certaine manière, le confort des dirigeants nationaux, sur l’expression populaire qui résulte du vote pour le Parlement ?