Grand Paris : les élus doivent recréer de la confiance !
Entretien publié dans le Journal du Grand Paris (n°40, en date du 31 août 2015).
Le Grand Paris va donc voir le jour au 1er janvier prochain ?
Oui, la loi est votée, validée par le Conseil constitutionnel. Personne ne va la remettre en question maintenant. Si elle devait l’être, ce serait une nouvelle majorité parlementaire, a priori au plus tôt en 2017. Et, le temps que cela se fasse, en réalité, par avant 2018 ou 2019. Cela veut dire que nous avons devant nous au minimum trois ans durant lesquels la métropole va prendre du poids, ne serait-ce que par la parole, qu’il s’agisse par exemple de promouvoir l’attractivité de la région capitale ou sa candidature aux jeux olympiques. La ville de Paris comme l’ensemble de la région va profiter rapidement de l’effet métropolitain.
Pas de coquille vide, donc, selon vous ?
La coquille ne peut qu’être vide dès lors qu’il s’agit d’une institution qui se crée. Mais ce vide n’est que provisoire. Il faut distinguer par ailleurs les compétences juridiques, légales, et l’effectivité du travail, qu’il s’agisse de définir des stratégies ou de concevoir des schémas. Tout cela n’est pas forcément visible et opérationnel, car la métropole ne construira pas des stades, des piscines ou des écoles, elle n’aménagera pas de voiries, ni ne gérera des crèches, mais elle se situera à un niveau plus stratégique d’abord, et d’aménageur ensuite.
Pas de période blanche non plus, redoutée par les entreprises ?
Il y aura certainement un ralentissement, mais il sera surtout lié à la mise en place des territoires. D’abord parce que de toute façon, globalement, les collectivités voient leur capacité de financement obérées par la réduction des dotations de l’Etat. Par ailleurs, les élus et leurs équipes administratives vont être mobilisés par les différentes mécaniques à mettre en œuvre pour créer ces établissements publics de territoires. Rejoindre une intercommunalité lorsque l’on est une commune isolée – et il y en a encore 40 en petite couronne -, c’est tout de même un choc culturel ! Ça prend du temps. Mais il n’y a pas d’autres solutions.
Beaucoup critiquent le niveau supplémentaire créé par la loi NOTRe en l’espèce…
C’est une critique que l’on peut entendre. La logique initiale voulait que la métropole ne soit pas réellement un niveau d’administration, puisqu’il s’agissait plutôt d’une fédération de communautés d’agglomération, une espèce de mutualisation partielle des compétences des communautés d’agglomérations existantes. Nous sommes passés ensuite à la logique d’une métropole très centralisée. En définitive, le compromis auquel on a abouti tant bien que mal n’a pas permis effectivement de supprimer un niveau. Mais encore une fois, la métropole, pour l’instant tout au moins, n’a pas de capacité opérationnelle. Il ne s’agit pas d’un niveau de gestion. Quant à la suppression des départements de petite couronne, c’est probablement la voie qui sera privilégiée à l’avenir. Mais c’est difficile à dire aujourd’hui, parce que l’on ne possède pas de certitudes sur l’avenir des établissements publics territoriaux. Comment les élus, les maires, vont-ils s’emparer de ces structures, que vont-ils en faire. Les territoires vont-ils être considérés comme les intercommunalités actuelles ? S’ils affirment leurs compétences, vont-ils conserver la contribution foncière des entreprises (CFE) au-delà de 2020 ? Si l’on supprime les départements, vont-ils reprendre leurs compétences, ou bien sera-ce plutôt la métropole ? On l’ignore aujourd’hui. Quel sera le poids politique des présidents de territoires ? des maires ? Sachant que l’on peut être président de la métropole sans présider de territoires… La gouvernance de l’ensemble reste à inventer, avec, en janvier prochain, un bureau de la métropole, un président et des vice-présidents, douze territoires, avec leur bureau, et l’ensemble des maires. A ce titre, il sera intéressant de voir quelles seront les personnalités qui présideront les territoires. Mais l’ensemble demeure collectivement maîtrisé par les maires, ce pourquoi je me suis toujours battu. Le président ou la présidente de la métropole ne sera pas désigné(e) sans leur accord. Il devra d’abord animer les réflexions, dégager des consensus, poursuivre en quelque sorte le travail de Paris Métropole. La loi ne peut tout régler.
Comment voyez vous la répartition des rôles avec la région, notamment en matière économique ?
La stratégie de développement économique relève plutôt, à mon sens, de la région, parce que cette dernière est, sur un plan territorial, l’instance la plus proche d’un territoire métropolitain tel qu’on l’entend au plan mondial. L’idée du territoire métropolitain ne recouvre pas seulement la zone dense mais aussi son « hinterland ». Un des problèmes, on le sait, provient du fait que le nom de l’Ile-de-France n’évoque rien à personne en dehors de nos frontières. Il faut donc, comme Paris-Ile de France capitale économique le préconise depuis longtemps, utiliser le vocable Paris Région ou Paris-Ile-de-France. Idem pour le tourisme. Ensuite, c’est la métropole qui déclinera à terme la stratégie ainsi définie en opérations d’aménagement etqui gérera, avec ses territoires, les questions foncières, de répartition équilibrée…
Vous redoutez l’effet des baisses des dotations sur l’investissement public ?
La baisse des dotations, la baisse de moyens pour les collectivités locales qui ont un effet de leviers important sur les investissements publics voire même parfois sur l’investissement aura un impact, c’est inéluctable, je dirai même « mathématique ». Moins de dotations, c’est moins d’autofinancement et donc moins d’investissements. Mais l’investissement, c’est aussi évidemment la confiance en l’avenir. Il reviendra donc aux élus de s’entendre, au premier rang desquels le maire de Paris, le président de la Région et le président de la métropole. Si les acteurs économiques ou les investisseurs immobiliers voient que nous parvenons à récréer de la confiance, sur l’avenir notamment, l’impact positif peut être réel également.
Propos recueillis par Jacques Paquier
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