Big is (not that) beautiful
La consultation populaire organisée la semaine dernière au sujet du changement de statut de la Poste a donné lieu à une mobilisation importante : plus de deux millions de personnes se sont déplacées. Je suis convaincu que cette participation tient non pas à l’appartenance partisane des uns et des autres mais bel et bien à l’attachement profond au service public postal « à la française ». L’on ferait donc bien, en haut lieu, de prendre acte de cet attachement avant d’entériner un changement de statut dont on sait parfaitement qu’il mène inexorablement à la privatisation (car sinon, pourquoi donc changer le statut ?) et hélas à l’accroissement de l’inégalité d’accès aux services. Voyez Gaz de France…
On invoque la rationalisation, les économies d’échelle, la mutualisation des moyens pour une meilleure efficacité … et ce, dans tous les domaines : institutions territoriales, fusions d’établissements universitaires ou hospitaliers, disparition des petits offices de l’habitat réputés non viables, regroupements tous azimuts. Du point de vue strictement comptable, la démarche peut (peut seulement) présenter quelques bénéfices. Encore que cela reste souvent théorique. Mais doit-on sacrifier la qualité de service à la recherche d’un équilibre financier mythique et (forcément) précaire, voire de la rentabilité ?
Un exemple récent du « big is beautiful » : en décembre 2008, les Assedic et l’ANPE fusionnent pour donner naissance au Pôle Emploi. Dix mois plus tard, chacun est en mesure de constater le gâchis : les agents sont débordés, le public déjà fragilisé ne voit pas toujours ses demandes traitées, plus de 30% des appels au 39-49 demeurent sans réponse, et ne parlons pas de l’accompagnement personnalisé des chômeurs rendu impossible (200 personnes pour un conseiller pas toujours à l’aise sur les deux tableaux, à savoir la recherche d’emploi et l’orientation d’une part, et l’indemnisation d’autre part).
A vouloir regrouper à toute force, on finit par désagréger ce lien – déjà ténu – qu’engendre la proximité et qui garantit la cohérence d’une société complexe. A sacrifier aux logiques purement « libérales », on gomme peu à peu le sens de l’action et du service publics. Décidément non, ce n’est pas la société que je veux pour mon pays et pour mes compatriotes.