« Absolument dé-bor-dée » … par la bêtise et la méchanceté !
Je n’avais pas envisagé jusqu’à maintenant de m’exprimer sur le « cas Zoé Shepard », de son vrai nom, chacun le sait aujourd’hui, Aurélie Boulet. J’analysais son livre comme celui d’une « potache », à prendre au second degré et sans trop de conséquences. Il n’en fallait pas parler, pour éviter toute publicité à ce réquisitoire sans aucune retenue ni nuance, frôlant ici ou là la méchanceté gratuite à l’égard de celles et ceux qu’on ne peut plus appeler ses « collègues ».
Cependant, la publicité faite à son ouvrage (Absolument dé-bor-dée, ed. ) et surtout l’engouement que j’ai pu constater cet été dans les discussions plus libres et moins conventionnelles à cette époque de l’année à l’égard de ce « témoignage » m’engagent à le faire. Ce d’autant plus que j’ai aperçu, par un pur hasard, l‘intéressée elle-même se livrer à une séance de signature dans une librairie, et que j’y ai entendu à cette occasion quelques phrases assassines sur les fonctionnaires de la part de quelques dames et messieurs bien mis, mais dont l’âge avançant peut faire penser qu’ils et elles pourraient avoir prochainement besoin, à un titre ou à un autre, desdits fonctionnaires. Bien entendu, l’auteure compatissait aux malheur de ces contribuables avec un air navré … Il eut aussi, à cette occasion, quelques plaisanteries mal venues d’un haut fonctionnaire d’Etat, qui ne possédait pas davantage le sens de la réserve que ladite Zoé, sur les « barons locaux » qui mettent les bâtons dans les roues d’un gouvernement qui se démène avec un désintéressement remarquable pour réformer l’Etat et sauver le pays.
Voici plus de trente ans que j’observe le monde public local. J’y ai travaillé également, non comme agent public, mais comme « accompagnateur » du changement. J’y suis – depuis 34 ans – élu local. Je crois bien connaître le monde public local. Et je n’ai jamais rencontré une situation telle que la décrit la jeune femme en question.
Son expérience professionnelle, pour le moins limitée, aurait d’ailleurs dû la conduire à davantage d’humilité … ce dont elle ne semble pas tellement capable, étant donné la haute opinion qu’elle semble avoir d’elle-même. Son « témoignage » eût à coup sûr été plus crédible si elle avait exercé, non seulement dans une région, mais aussi dans une ville moyenne, puis dans un département, ce qui l’aurait ramené à une vision plus proche de la réalité de ce que vivent le 1,5 million de fonctionnaires territoriaux qui se sentent – on le comprend parfaitement – humiliés et blessés par ce brulôt. Et son employeur a raison de réagir et d’envisager une sanction, faute de quoi ce sont tous les fonctionnaires territoriaux qui pourraient se sentir abandonnés par leurs patrons.
L’amertume qui se dégage des pages de Zoé semble d’autant plus fabriquée qu’elle ment : elle dit être employée dans une grande ville, mais c’était dans une région ! Pourquoi déguiser ainsi la vérité que l’on prétend affirmer ? Pourquoi aussi cet acharnement et ce mépris à l’égard des autres, quels qu’ils soient et quelle que soit leur position et leur rôle ? Pourquoi ainsi « cracher dans la soupe », sans prendre la peine de voir ailleurs ? On ne devient pas administrateur territorial sans savoir ce qu’est ce métier, sans connaître le monde public local, sans effectuer des stages. N’avait-elle pas constaté, déjà, tout ce qu’elle dit découvrir, puisqu’elle laisse entendre que ce comportement est généralisé ?
Une affaire qui tombe à pic pour le pouvoir central
Cette affaire, et la publicité bien orchestrée qui en est faite, tombe un peu trop à pic pour le pouvoir central. Le livre est sorti juste au moment où l’Etat demande – on pourrait écrire « exige » – de la part des collectivités locales la même politique de restriction des effectifs publics, alors que les élus locaux sont mis en cause de façon de plus en plus directe comme de quasi-« ennemis de la nation ». Que le Figaro-Magazine en fasse un ouvrage de référence en en publiant de larges extraits est un signe qui ne trompe pas. Avons-nous jamais lu dans ses pages quoi que ce soit qui montre les réussites du service public, ou même qui fasse seulement réfléchir le lecteur sur l’organisation des pouvoirs publics en France ? Autant de coïncidences et de soutiens si bien placés jettent le soupçon. L’attaque est claire, nette et sans bavures. C’est le service public territorial qui est visé et, au-delà, le modèle de société qui est – encore – le nôtre.