Quel avenir pour la communauté d’agglomération des Hauts-de-Bièvre ?
Créée en janvier 1993 dans l’objectif de travailler à élaborer et conduire un projet commun de développement urbain et d’aménagement de son territoire, la communauté d’agglomération des Hauts-de-Bièvre apparaît davantage aujourd’hui comme un outil commun de gestion technique dans les domaines de compétences transférés (gestion des transports, tri des déchets, etc…). Le point avec Philippe Laurent pour un bilan politique et financier de ces quatre années passées au sein de la communauté d’agglomération.
Il y a quatre ans, vous étiez favorable à l’engagement de Sceaux dans l’intercommunalité territoriale ? La communauté d’agglomération des Hauts-de-Bièvre actuelle répond elle à vos ambitions initiales ?
Je rappelle que le conseil municipal de Sceaux a délibéré, à la quasi-unanimité, le 16 mai 2002 pour la création d’une communauté d’agglomération regroupant l’ensemble des communes du sud des Hauts-de-Seine (soit environ 450 000 habitants et une diversité territoriale et politique). Cette structure devait être, selon nous, d’abord tournée vers le développement économique, l’emploi et le soutien à la formation et à la recherche. Elle aurait constitué un territoire de projet ambitieux et significatif au regard de Paris notamment, avec la perspective de collaborer efficacement avec la municipalité parisienne qui multipliait les signes d’ouverture. Au lieu de cela, le préfet des Hauts-de-Seine, à la demande pressante du ministre délégué à l’Intérieur d’alors (NDLR : Patrick Devedjian) nous a imposé – comme il en avait le pouvoir – le périmètre restreint que nous connaissons, mal identifié et sous la domination politique d’un seul parti et d’un seul homme. Il n’est pas logique par exemple que Fontenay-aux-Roses, dont le territoire est si proche du nôtre, ne soit pas dans la même communauté que Sceaux. Nous avons fait alors contre mauvaise fortune bon cœur, espérant d’une part une ouverture à terme sur les autres communes – la délibération du conseil municipal de Sceaux en date du 26 septembre 2002 le demande solennellement – et d’autre part que le projet de territoire s’élaborerait entre nous « en marchant », que l’espace communautaire deviendrait véritablement au fil du temps un espace de solidarité et de rationalisation de la gestion. J’ai même accepté de me charger de l’animation de la réflexion sur l’élaboration de ce projet communautaire, ce que j’ai depuis renoncé à poursuivre face au désintérêt – pour ne pas dire plus – de certains collègues. Mais la communauté n’est pas devenue tout cela, au contraire. C’est pour Sceaux une très grande déception. Les élus ne s’entendent pas et n’ont aucune volonté de progresser en commun. La communauté n’est pour certains qu’un tiroir-caisse, en aucun cas un espace de développement partagé et solidaire.
Etes-vous satisfait de la gestion de la communauté d’agglomération sur les transferts de charge déjà opérés comme dans les domaines du tri sélectif et des transports ?
Globalement, la communauté ne fait pas mieux que ce que faisaient les communes, mais elle le fait pour plus cher. La tendance est plutôt l’alignement par le bas des prestations, ce qui pose problème à Sceaux car nous avions un niveau élevé – quantitativement et qualitativement – de prestations. Ainsi, nous devons nous battre en permanence sur la qualité du service : la collecte des déchets ménagers est parfois désorganisée, les containers sont insuffisamment entretenus, la dératisation des égouts est plus espacée, etc … Il est certain que nous avons perdu en proximité, donc en qualité, dans ces différents domaines.
Parlons du réseau de transports du Paladin…
Le Paladin a été décidé hâtivement en 2005, sans études préalables suffisantes. Plusieurs élus, dont ceux de Sceaux, l’ont fait remarquer à l’époque. Mais l’affaire est politique : il s’agissait pour le président de l’époque de la communauté de faire passer la délibération – indispensable – de création au conseil d’administration du syndicat des transports d’Ile-de-France avant la « prise de pouvoir » au sein de ce syndicat par le président du Conseil régional, en application des lois de décentralisation, au 1er juillet 2005 ! Au-delà de la précipitation, ce fut une erreur : le Conseil régional n’ayant pas, lui, voté les subventions, la communauté n’a pu acheter les véhicules nécessaires et a dû créer les circuits avec des véhicules usagés, que nous connaissons encore aujourd’hui. Pour le moment, je ne dispose que de chiffres approximatifs de fréquentation : il semble que le nombre de passages soit environ de 7 000 par jour sur l’ensemble des lignes, pour un objectif fixé de 10 000. Le coût net du Paladin, lui, est important : près de 2,5 millions d’euros par an. Il n’est pas certain du tout que cela en vaille la peine et j’espère rapidement une révision sensible à la baisse des réseaux.
Quels sont les nouveaux transferts de charge envisagés pour l’avenir ?
Les conditions actuelles de fonctionnement de la communauté et la qualité de ses prestations ne m’incitent pas à espérer de nouveaux transferts, d’autant que ceux-ci sont effectués – avec l’approbation muette d’une grande partie de la majorité du conseil communautaire composé largement des élus d’Antony et de Châtenay-Malabry – dans un unique objectif de délestage financier. L’exemple des écoles de musique est flagrant. Alors qu’il s’agissait là, pour le coup, de bâtir un projet de mutualisation profitant aux près de 6 000 élèves de nos écoles de musique et faisant rayonner notre territoire dans le domaine de l’éducation artistique, les élus des communes responsables des principaux établissements ont refusé le transfert, rendant ainsi celui-ci pour les autres sans aucun intérêt pédagogique et culturel. Les élus de Sceaux ont d’ailleurs refusé, en décembre dernier, de prendre part à ce qu’il faut bien appeler une mascarade.
La mutualisation des dépenses au sein de la communauté d’agglomération génère-t-elle des économies d’échelle intéressantes ?
Non, pas vraiment, car les contrats passé par les communes ont été pour la plupart repris tels quels par la communauté dans les domaines de compétence transférés. La jeunesse de l’administration communautaire fait cependant que ces contrats sont moins bien suivis qu’auparavant, d’où le problème de qualité que j’évoquais. A l’avenir, au fur et à mesure de la renégociation de ces contrats, on pourrait sans doute réaliser quelques économies d’échelle, mais je crains qu’elles n’entraînent aussi une diminution du niveau des prestations alors même que les citoyens paieraient toujours autant. Par exemple, en matière d’assainissement, Sceaux était en avance : la Ville s’était engagée voici dix ans dans un plan de rénovation de ses réseaux et avait en conséquence fixé son niveau de redevance assez haut. Aujourd’hui, le niveau de la redevance à Sceaux est toujours aussi haut, mais il pourrait à terme y avoir moins de travaux, car les budgets sont peu à peu mutualisés. Le même phénomène existe sur les ordures ménagères et la taxe qui les finance. N’oublions pas, par ailleurs, que le fonctionnement de la communauté a amené l’ancien président à recruter de manière importante, sans pour autant que les effectifs diminuent dans les communes : ce sont ainsi plus de 40 personnes qui travaillent – avec du reste beaucoup de mérite et de compétence individuelle – au sein des ervices de la communauté …
La ville de Sceaux est-elle perdante ou gagnante … sur un strict plan financier ?
Clairement perdante. Nous avons d’ailleurs estimé cette perte à environ 400 000 € par an, du fait de la non application des hausse de taux d’impôts décidé par ailleurs aux bases de taxe professionnelle existant sur la commune, puisque la taxe professionnelle est désormais exclusivement perçue par la communauté. Par ailleurs, le « retour » financier reste très faible pour Sceaux, du fait des règles posées par la majorité de la communauté. La solidarité et l’équité entre les communes n’existent pas dans cette communauté. Le tableau ci-joint le montre clairement.
Même question mais sur le plan de la qualité des prestations offertes aux habitants ? Sceaux perdante ou gagnante ?
Là aussi, plutôt perdante, compte tenu du haut niveau de qualité que nous avions atteint avant même les transferts. C’est d’ailleurs cette raison qui m’a amené à refuser tout transfert en matière de gestion des espaces publics, car j’ai estimé que Sceaux avait de ce point de vue une qualité de service qu’il fallait préserver.
En dehors des aspects de gestions techniques et financières, la communauté d’agglomération ne devrait-elle pas être un moyen pour notre territoire de développement à une plus grande échelle ?
Sans doute, mais, comme nous l’avions pressenti en 2001, son territoire est trop étriqué pour cela à l’échelle de l’agglomération parisienne. La preuve en est donnée d’ailleurs par le développement d’autres formes, moins institutionnelles, de coopération et de discussion : la vallée scientifique de la Bièvre, avec les communes du sud du Val-de-Marne, ou la conférence métropolitaine, qui a vocation à réunir Paris et l’ensemble des communes du cœur de l’agglomération. Dans ces deux structures, Sceaux est très active et membre des instances dirigeantes. Là – et dans les grands syndicats intercommunaux que nous connaissons déjà – est probablement l’avenir à moyen terme de la coopération intercommunale dans notre région, si particulière de ce point de vue. J’ajoute que la communauté d’agglomération des Hauts-de-Bièvre aurait pu, elle-même, jouer un certain rôle dans ces échanges, par exemple entre Paris et son agglomération, ou encore dans l’élaboration du schéma directeur de la région d’Ile-de-France. Mais elle est en elle-même peu présente, par manque d’intérêt des élus sans doute, ou pour des raisons plus politiciennes. C’est très dommage pour notre territoire du sud des Hauts-de-Seine.
Que recommandez-vous pour son avenir ?
Très franchement, l’avenir de la communauté d’agglomération ne me semble pas très assuré. La structure survivra toujours sur le plan administratif, mais elle manquera bientôt, elle aussi, de moyens budgétaires. Comme elle ne dispose pas – et ne disposera sans doute pas, car les élus n’en veulent pas – d’un véritable projet, comme elle ne procède à aucune politique de solidarité territoriale, comme elle ne s’est pas positionnée comme territoire pertinent à l’échelle de l’agglomération parisienne, je ne saisis pas très bien son avenir. Ce que fait aujourd’hui la communauté, les communes le faisaient déjà avant sa création, et la plupart du temps aussi bien. Je pense qu’à défaut d’un sursaut rapide et d’une remise en cause profonde des règles qui gouvernent actuellement le fonctionnement de la communauté, nous devrons prendre acte de son relatif échec et du manque de volonté des élus de travailler véritablement ensemble, et réfléchir sereinement à sa dissolution, possible à condition que la décision en soit prise de façon unanime.