Triple peine !

La note de conjoncture de la Banque postale sur l’évolution des finances locales, publiée le 5 mai 2015, confirme malheureusement l’analyse que j’ai pu, avec quelques autres, développer depuis plusieurs années.

Le moteur de l’investissement public, à savoir les collectivités locales, est en panne. Entre 2013 et 2015, l’investissement aura diminué de 9 milliards d’euros, soit 15%. Et le mouvement se poursuivra dans les années suivantes. C’est la première fois depuis la décentralisation que l’investissement public local connaît ainsi, deux années de suite, une diminution. En 2010, après la terrible crise de 2008-2009, le volume d’investissement avait aussi baissé, mais il s’était redressé dès 2011. On le sait désormais, la politique imposée par le pouvoir central aux collectivités locales coûte cher à tous : en emplois (80 000 emplois perdus), en qualité de service aux habitants, en attractivité pour nos territoires et notre pays. C’est en quelque sorte la triple peine !

La cause principale de cette situation inédite est à rechercher, naturellement, dans la diminution drastique des dotations de l’Etat, 6,5 milliards de moins en deux ans. Leur montant en 2015 équivaut en euros à celui de 2005. Mais, en dix ans, leur part dans les recettes est passée de 28% à 21%. Le désengagement de l’Etat des territoires, que nous dénonçons depuis des années, s’accélère. Il va de pair avec une absence totale d’ambition en matière d’aménagement du territoire, contribuant ainsi à accentuer les inégalités territoriales. Le cercle vicieux est enclenché, et on ne voit pas ce qui pourrait en inverser le sens.

Contrairement à ce qui a été affirmé, et en dépit du cas particulier de quelques grandes villes qui a été surmédiatisé, les maires et leurs conseils municipaux n’ont pas fait jouer le levier fiscal de manière importante : la progression moyenne des taux communaux se limitera en 2015 à 1,6%, niveau habituel en année post-électorale. Globalement, les maires refusent le transfert de l’impopularité fiscale que veut leur imposer le pouvoir central, Comme ils refusent le transfert de la responsabilité de l’endettement public : l’encours de la dette publique locale représente seulement, en 2015, 8% du PIB. Et cette dette ne finance que des investissements, et pas du déficit de fonctionnement comme c’est le cas pour l’Etat et les organismes de sécurité sociale …

Hasard du calendrier : la note de conjoncture en question est parue le jour même où se tenait une réunion du Comité des finances locales portant sur la réforme des concours financiers de l’Etat aux collectivités locales. Une fois de plus, il a fallu répéter et expliquer que ces concours financiers ne sont nullement un « cadeau » que ferait l’Etat aux communes, départements et régions, mais la juste contrepartie des transferts de compétences effectués à jet continu depuis 30 ans d’une part, et de la suppression de nombreux impôts locaux (vignette automobile, taxe professionnelle, etc .) d’autre part. Là encore, le pouvoir central a le beau rôle : il supprime les impôts destinés aux autres (mais pas les siens … !), se donne ainsi le beau rôle à l’égard des contribuables, puis quelques années après diminue les compensations qu’il s’était engagé, la main sur le cœur, à sanctuariser. Quitte à prendre des libertés avec la morale la plus élémentaire et à égratigner la qualité de la parole de l’Etat. Une attitude bien peu glorieuse qui ne nourrit pas la confiance pourtant nécessaire entre l’ensemble des acteurs publics.

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