Sécurité de proximité : encore un mauvais coup déjoué in extrémis !
Le fameux projet de loi « d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure » (dite Loppsi II), dont la discussion devrait avoir lieu au Sénat en juin, a un objectif inavoué, dont, curieusement, on parle peu : opérer un discret glissement du financement de la sécurité de proximité de l’Etat vers les communes. Ainsi, en mettant l’accent du le développement de la vidéo-protection – nouveau nom plus « politiquement correct » pour vidéo-surveillance -, en suscitant l’idée que les polices municipales pourraient voir se développer encore leurs compétences, a-t-elle créé les conditions pour que les maires, séduits par de nouveaux pouvoirs à utiliser sur le terrain, se précipitent dans la brèche.
Heureusement, l’Association des maires de France ne s’est pas laissée prendre au piège. Son bureau a rejeté l’idée d’un élargissement des carrières des policiers municipaux, non parce qu’il considère que ces policiers devaient être sanctionnés, mais parce que des policiers de niveau de plus en plus élevé allaient revendiquer de plus en plus de pouvoirs et finir par se substituer entièrement à la police d’Etat pour les tâches ordinaires de maintien de l’ordre, entérinant ainsi un transfert insidieux de compétences et de charges de l’Etat vers les communes, évidemment sans aucune compensation financière puisque ledit transfert n’aurait lieu qu’à l’initiative de fait des maires et non par une obligation législative.
C’était plutôt bien vu de la part de la haute fonction publique d’Etat et de la hiérarchie policière, que seuls les grands dossiers emblématiques intéressent (du type lutte contre les trafics ou contre le terrorisme, ou encore élucidation des crimes de sang), et qui sont donc prêts à abandonner aux fantassins de la République (en l’occurrence les maires) la sécurité de proximité, la lutte contre les « incivilités » et autres billevesées. C’est tout bénéfice : cela coûte moins cher à l’Etat, cela permet d’accuser les communes de trop dépenser, et cela met sur le dos des maires la responsabilité dans le manque de résultats dans ce qui agace le plus le peuple !
Mais le plus étonnant dans l’affaire, c’est que les députés soient complices de ce nouveau mauvais coup. Il reste à espérer que les sénateurs, sans aucun doute plus au fait des réalités locales, revoient de fond en comble un texte sans intérêt autre que celui de délester « en loucedé » l’Etat de ses responsabilités premières.