Quand l’architecture disparaît …!
Même si cela peut sembler revêtir un caractère mineur à côté de nombreux autres problèmes, il me semble important d’attirer l’attention sur certaines des conséquences de la réorganisation des directions du ministère de la Culture, qui me semblent porter préjudice au développement même de l’architecture contemporaine. En effet, le mot « architecture » a désormais définitivement disparu de l’intitulé de la direction du ministère qui semble en avoir la charge.
L’architecture a sans doute historiquement toujours eu quelque difficulté à trouver une juste place institutionnelle, puisqu’elle a été plusieurs fois l’objet de transfert entre ce qui a été longtemps le ministère de l’Equipement d’une part, et le ministère de la Culture d’autre part.
Cette difficulté des pouvoirs publics à trancher entre la dimension technique de l’architecture et sa dimension artistique est le reflet, non pas d’une simple dualité entre ces deux pôles, mais, plus encore, de sa tripartition constitutive, relevée dès l’aube de la Renaissance par Alberti, entre la solidité, la convenance — nous dirions aujourd’hui la « valeur d’usage » — et la dimension du plaisir, épinglée de façon très réductive d’ailleurs par la notion d’esthétique.
Si cette spécificité est aujourd’hui bien connue du monde universitaire et constitue le socle du savoir faire d’un étudiant fraîchement diplômé, destiné à exercer le métier d’architecte, elle éprouve néanmoins quelque difficulté à trouver sa légitimité au-delà. Récemment encore, peut-être pour rassurer le grand public, toujours méfiant face à l’innovation quelle qu’elle soit, l’architecture contemporaine restait placée aux côtés d’une sorte de tutelle, celle du patrimoine. En tout état de cause, elle existait cependant, au moins dans l’acronyme de la « direction de l’Architecture et du patrimoine ».
Mais relevant désormais de la « direction générale des Patrimoines » et ce, au simple titre « d’étude, de protection, de restauration, de valorisation et de transmission … », — je cite les termes exacts de la présentation de cette nouvelle direction tels que relevés sur le site du ministère de la Culture et de la communication —, on peut craindre que l’architecture contemporaine soit de fait condamnée à n’être plus qu’un objet à préserver, à moins qu’elle ne soit destinée à être ravalée à un simple bien de consommation, comme y incite d’ailleurs très fortement la directive 2006/123/CE, du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative « aux services dans le marché intérieur », aux fins de la faire rentrer dans le rang de l’organisation mondiale du commerce et de l’ouvrir notamment aux « bienfaits » de la concurrence et du marché.
De nombreux acteurs et observateurs de l’acte de construire, maîtres d’ouvrage et maître d’œuvre, ne veulent pas croire à ce qui leur apparaît comme un scenario-catastrophe.
Il ne s’agit bien sûr pas d’adopter une attitude corporatiste, de défendre une profession, mais, ce qui est bien différent, de revenir sur l’objet même de l’architecture. Celui-ci consiste tout simplement à répondre à la question : « De quelle façon pouvons-nous habiter ici ? ». Car il s’agit bien de l’avenir de notre cadre bâti qui est en jeu, et non seulement de la protection de ce qui a été.
Les CAUE, créés par la loi de 1977, qui proclamait l’architecture « d’intérêt public » savent, trente ans après, et au terme de quelques centaines de milliers de « contacts » avec le grand public, que cette option était la bonne et que l’architecture constitue bien une des dimensions du « propre de l’homme ».
À ce titre, une — légère — ré-articulation de la place de l’architecture dans l’organigramme général du ministère, afin de redonner à l’architecture et à la modernité leur juste et légitime valeur, semble s’imposer. Je l’ai suggéré au ministre par courrier récent, en tant que président de l’Union régionale des CAUE d’Ile-de-France.