Pour le « président des territoires », on attendra encore !

L’audition par l’Association des maires de France, mercredi 22 mars dernier, des candidats qualifiés pour le premier tour de l’élection présidentielle a été une réussite sur le plan de l’organisation. Ils sont tous venus (sauf deux qui se sont fait représenter). Ils ont respecté la règle du jeu (et notamment le temps de parole). Ils ont exprimé, face aux représentants des maires de France, leurs propositions concernant les « collectivités locales ».

Pourtant, il y a comme un léger malaise. Autant les « petits » candidats ont tenu un discours politique, souvent avec force et conviction, en remettant en question le système de fonctionnement des pouvoirs publics, autant les « grands candidats » se sont contentés de parler gestion et chiffres. Ce qui était frappant, c’est qu’aucun des cinq candidats en situation de pouvoir gagner l’élection n’a véritablement placé son propos sous l’angle d’une vraie rupture avec la culture jacobine de l’Etat. Comme s’ils étaient candidats à la direction d’un Etat qui serait toujours celui des années 70 ou 80, puissant, présent partout, capable de décider et d’influer véritablement, seul, sur le cours des choses. 

Sans le dire ainsi, les candidats ont finalement pris le dossier « collectivités locales » comme un autre dossier, comme une politique publique qu’il faut aborder de façon sectorielle. Ils n’ont pas dit qu’il fallait bouleverser la donne, considérer désormais que les territoires s’étaient dotés d’acteurs publics structurés, avec des administrations compétentes, capables d’aborder pratiquement toutes les politiques publiques. Ils n’ont pas dit qu’il fallait enfin rompre avec la culture de la « sous-traitance » : l’Etat transfère la gestion, mais continue de normer et de décider comment il faut gérer. Ils n’ont pas dit que le 21ème siècle était le siècle des villes quand le 20ème a été celui des Etats-nations. Ils n’ont pas dit que la véritable clé du redressement, c’était sans aucun doute la révolution culturelle que l’Etat central devait conduire en lui-même, dans sa propre administration, dans la haute fonction publique des ministères (et de celui de Bercy en particulier), pour enfin libérer l’initiative territoriale, construire un partenariat équilibré au sein des pouvoirs publics, imaginer un autre partage des ressources fiscales qui mette un terme à la dépendance des « dotations » … Et c’est parce qu’ils n’ont pas dit cela qu’on peut légitimement douter de leur capacité de réussite dans l’action de redressement qu’ils disent vouloir conduire.

Deux jours après le grand oral devant l’AMF, France Urbaine adoptait son manifeste et proclamait « l’alliance des territoires », faisant un constat semblable, formulant des propositions allant dans le sens de nouvelles relations d’égalité entre l’Etat et les pouvoirs locaux, dans le respect de la diversité, appelant de ses vœux la « République des territoires ». Une expression que j’ai utilisée il y a plus de vingt ans. Depuis, tout a changé sur les territoires, rien n’a bougé dans la forteresse de l’Etat central. C’est le vrai défi auquel sera confronté le futur chef de l’Etat. Visiblement, il ne semble ni le savoir, ni le comprendre.

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