Philippe Laurent : « Sortir de la stigmatisation du travail des fonctionnaires ! »
Le président du Conseil supérieur de la Fonction publique territoriale (CSFPT), Philippe Laurent, a remis, le 26 mai 2016, un rapport sur le temps de travail dans la fonction publique à Annick Girardin, la ministre de la Fonction publique. Un sujet sensible. Principal enseignement : le temps de travail est 1,4% moins important que celui des salariés du privé (lire encadré). Que vont devenir les 34 propositions du rapport ? Décodage avec son auteur.
Quelles sont les prolongations de la publication de votre rapport ?
L’Assemblée des départements de France (ADF) ainsi que l’Association des maires de France (AMF) et l’Association des régions de France (ARF) ont maintenant à se prononcer, utilisant les propositions d’un travail rigoureux qui a mobilisé six inspecteurs généraux et le passage au crible des trois fonctions publiques dans le département du Loiret. Ce rapport peut permettre aux collectivités de poursuivre leurs discussions avec les représentants des agents. Il peut leur servir de guide et de recueil des bonnes pratiques, d’autant plus que plus de la moitié des préconisations avancées ne nécessite pas de nouveaux textes. L’objectif est d’harmoniser le temps de travail dans toutes les fonctions publiques parce qu’il existe des inégalités de traitement d’un territoire à un autre, d’un service à un autre.
Pouvez-vous nous donner des exemples ?
Pour établir plus d’équité entre agents publics et salariés du privé, nous proposons par exemple de suspendre les régimes dérogatoires à la base légale de 1 607 heures et à l’attribution de jours d’absence dépourvus de base légale. Est-il normal que dans certaines collectivités, le mariage donne lieu à l’octroi de dix jours d’absence ? Je vous laisse juge… C’est sur ces régimes dérogatoires trop avantageux que nous devons rectifier le tir.
On souligne souvent le rôle social du recrutement dans les fonctions publiques de personnes qui auraient du mal à être employés dans le privé. Cette spécificité explique-t-elle ce décalage dans le temps du travail ?
Je m’inscris totalement en faux contre cette vision. Nous assistons à une professionnalisation croissante, depuis plus de 30 ans, des métiers de la fonction publique et les métiers dits peu qualifiés, je pense à la voirie, concernent au final peu d’agents. Je veux insister aussi sur les sujétions auxquelles sont soumis les agents. Savez-vous que 40 % d’entre eux en France travaillent le week-end ? Dans ma commune de Sceaux, le personnel des bibliothèques ou les policiers travaillant le week-end n’est pas payé plus lorsqu’ils travaillent le dimanche. Ce qui n’est pas le cas dans le privé. Les Français ont une vision caricaturale du travail des fonctionnaires. Et pourtant, paradoxalement, ils ont confiance en eux ! Mêmes les familles les plus aisées préfèrent déposer leurs enfants à la crèche publique qu’en crèche privée, pour des raisons de savoir-faire professionnel. Ce rapport vise à sortir de la stigmatisation du travail des fonctionnaires.
1584 heures en moyenne par an
Le rapport Laurent évalue, pour la période 2013-2014, la durée annuelle de travail des fonctionnaires à 1584 heures, inférieure de 29 heures, soit 1,4%, à la durée réglementaire (1607 heures). Dans le détail : 1546 heures (fonction publique hospitalière, FPH), 1578 heures (fonction publique territoriale, FPT), 1627 heures (fonction publique d’Etat, FPE). |
Propos recueillis par Stéphane Menu, Le Réseau Service Public