Pensons le service public utile de demain
Loin des discours convenus, un sondage IFOP[1], paru il y a quelques semaines, a mis en avant l’attachement viscéral des Français au maintien des services publics de proximité et l’excellente image globale dont jouissent les agents en charge de les animer. Le choix français de faire assurer les fonctions collectives et la mutualisation des risques de la vie par des opérateurs garants de l’équité et de l’accessibilité pour tous est largement approuvé. D’ailleurs, au fil de ce sondage, l’hypothèse d’un transfert de la gestion des services publics de proximité vers le secteur privé est rejetée. Nous touchons là au ciment de notre lien social, du consensus autour du modèle français de société élaboré au lendemain de la Libération.
L’approche gestionnaire et comptable des politiques publiques, recentre tout sur la dépense. Seulement, avec la RGPP, les services publics de proximité ont déjà été largement mis à contribution. Dans un contexte social tendu, ils réussissent à remplir leurs missions d’intérêt général en dépit de budgets contraints et de conditions de travail rendues plus difficiles. Aller au-delà nécessiterait de repenser profondément leur organisation et leurs missions.
Au lendemain d’un réaménagement majeur des territoires, les évolutions et les principes d’organisation des services publics de proximité peinent à s’imposer dans le débat et les enjeux d’avenir comme l’encadrement et la capacité d’innovation ne sont pas traités. Deux faiblesses identifiées par le sondage de l’IFOP (57% et 49% d’opinions négatives sur les items « innovation » et « bonne gestion »).
L’organisation de notre fonction publique doit évoluer. Le rapport sur le temps de travail dans la fonction publique[2], remis à la ministre de la Fonction publique en mai dernier, montre bien que la plupart des dysfonctionnements trouvent leur source dans le pilotage et l’insuffisance du management. La formation et l’implication étendue des élus et des cadres dans le management des équipes constituent un des leviers d’une fonction publique moderne. Et il faut bien noter que, pour celles et ceux qui gèrent au quotidien nos services publics de proximité, l’existence du statut – qui lui-même s’adapte en permanence – n’est absolument pas un frein au management des ressources humaines, et même parfois au contraire, puisqu’il constitue une sorte de « filet de sécurité » à l’intérieur duquel l’approche peut être plus sereine, si tant est que soit toujours privilégiée la qualité du dialogue social.
Plus largement, une gestion plus pragmatique des ressources humaines donnera davantage de sens à l’action publique. Elle rendra plus adéquates les compétences aux besoins. Cela va dans le sens de services publics plus efficients. Pour se faire, les réformes à venir ne pourront faire l’économie de perspectives accrues en matière de formation, de mobilité et de protection sociale. La fonction publique doit s’adapter à l’évolution des besoins des agents en accompagnant les hommes et les femmes tout au long de leur carrière. Il s’agit de la faire progresser avec la préoccupation constante du dialogue social.
La plongée, pleine et entière, dans la révolution numérique, peut permettre de répondre aux enjeux des nouvelles technologies, à la dématérialisation et aux exigences accrues des usagers. Elle est aujourd’hui encore trop absente de la réflexion collective. Alors que les nouvelles générations gèrent tout à partir de leur smartphone, les outils administratifs de l’Etat peinent à briller par leur simplicité et leur efficacité en ligne. Pour résorber le décalage entre l’offre, les attentes et les usages, l’avenir des services publics passera nécessairement par le développement de la e-administration. Il convient de remettre les habitants au cœur des politiques publiques. L’innovation permettra de rapprocher les services publics des usagers urbains pris dans leur quotidien et des citoyens ruraux de plus en plus éloignés de tout.
Les services publics de proximité sont à adapter aux temps nouveaux (immédiateté, simplification, qualité, résultats). Mais la disparition des allumeurs de réverbères nous montre qu’il en a finalement toujours été ainsi. Utiles aujourd’hui, les services publics contribuent à rendre notre société plus libre, plus égale et plus fraternelle. Utiles demain, ils doivent continuer à porter cette notion d’intérêt général, irriguer les territoires et apporter une réponse aux besoins quotidiens des Français.
En manifestant leur attachement aux services publics de proximité, nos concitoyens ont montré qu’ils ne souhaitaient pas résumer les évolutions à une question d’effectifs. Nous appelons donc les candidats à l’élection présidentielle à ouvrir le débat pour mettre sur la table toutes les options. Cela est indispensable si nous voulons préserver notre modèle de société.
Philippe Laurent |
Alain Gianazza |
Maire de Sceaux (92) Président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale |
Président de la Mutuelle Nationale Territoriale |
[1] http://www.utiledemain.fr et http://www.la-croix.com/France/Les-Francais-attaches-services-publics-proximite-2017-03-15-1300832075
[2] LAURENT Philippe, Rapport sur le temps de travail dans la fonction publique, Paris, mai 2016
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/164000313.pdf