L’Express : Exécutifs locaux et national doivent travailler ensemble
Dans L’Express, le chef de l’Etat a pointé du doigt le rôle des collectivités locales dans la dérive des dépenses publiques. Le vice-président de l’Association des maires de France et maire de Sceaux, Philippe Laurent réagit.
Propos recueillis par Thibault Marotte
Une simple phrase qui remet de l’huile sur le feu. Dans l’entretien qu’il a accordé à L’Express la semaine dernière, Emmanuel Macron a eu le don d’irriter les collectivités locales. Au moment d’évoquer le dérapage des finances publiques, le chef de l’Etat a affirmé qu' »hormis une dérive des dépenses initialement prévues qui est du fait des collectivités locales, il n’y a pas de dérapage de la dépense de l’Etat, son budget est même plutôt sous-consommé ».
Deux jours après sa publication, l’Association des maires de France (AMF), Régions de France et Départements de France ont publié un communiqué commun dénonçant une « affirmation déloyale ». Ils estiment notamment « que cette déclaration provocatrice porte une nouvelle atteinte à la confiance pourtant nécessaire entre l’exécutif et les élus locaux ». Philippe Laurent, vice-président de l’AMF et maire de Sceaux, juge cette sortie irresponsable et défend le bilan des collectivités locales.
Emmanuel Macron a-t-il raison d’affirmer que la dérive des dépenses publiques est du fait des collectivités locales ?
Philippe Laurent Naturellement, non. C’est quand même incroyable d’entendre des choses pareilles, surtout venant du président de la République. Il est irresponsable de faire porter la responsabilité de la situation budgétaire sur les collectivités, alors qu’il faudrait plutôt regarder du côté des comptes de l’Etat et de la Sécurité sociale. Nous ne comprenons pas.
Quel message voulait-il faire passer selon vous ?
Certainement de soumettre à une rigueur beaucoup plus importante les collectivités en diminuant par exemple les dotations. On a bien vu par le passé qu’imposer des normes de dépenses aux collectivités ne marchait pas très bien. C’était très technocratique et pas vraiment égalitaire. Nous n’avons pas d’informations sur les intentions réelles du gouvernement. Je ne suis pas certain que les ministres partagent cette opinion-là. Dominique Faure [NDLR : la ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité] n’aurait jamais dit cela, de même que Christophe Béchu [NDLR : ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires] et tous les membres du gouvernement qui connaissent les collectivités. Ce sont des éléments de langage fournis par Bercy qui, comme d’habitude, s’exonère de toute responsabilité et la renvoie sur les autres.
Quelle est aujourd’hui la réalité de la situation des finances des collectivités locales ?
Dans les collectivités locales, les ressources viennent essentiellement de ce qu’il reste d’impôts locaux, c’est-à-dire essentiellement la taxe foncière et la cotisation foncière des entreprises, puisque le reste a disparu. La contribution financière des entreprises est perçue notamment par les intercommunalités, c’est une forme de taxe foncière n° 2 pour les entreprises. Et puis, il y a quelques taxes indirectes. A l’heure actuelle, on peut dire que la situation financière des collectivités locales n’est pas trop mauvaise. Elle est à peu près équilibrée parce que certaines communes ont augmenté la taxe foncière. Là où l’Etat dit « je refuse d’augmenter les impôts à tout prix » et bien les élus locaux le font à sa place parce qu’ils ne veulent pas diminuer les services et veulent continuer à investir. Si l’on couvre nos dépenses par nos recettes et que l’on est équilibré, c’est tout ce qui compte. Or les collectivités locales ne représentent pratiquement rien dans le déficit public de 5,5 % du PIB.