« Les élus doivent également agir en employeurs territoriaux »

Entretien publié dans La Gazette des Communes le 20 novembre 2018. Par Bénédicte Rallu et Jean-Marc Joannès

Alors que se profile la réforme de la fonction publique territoriale, Philippe Laurent, le président du Conseil supérieur de la FPT et porte-parole de la coordination des employeurs publics territoriaux, rappelle la place des élus dans le management des agents.

Quelle est la place de l’élu local en tant qu’employeur ?

La décentralisation relève d’un défi : assurer une fonction publique territoriale homogène pour l’ensemble des agents, tout en respectant l’autonomie de gestion des employeurs territoriaux. Cette responsabilité échoit à l’employeur public territorial. Elle se manifeste en premier lieu par la signature des arrêtés de nomination. C’est une responsabilité majeure : la qualité et le niveau du service public sont assurés par les agents et donc liés à la qualité de leur recrutement et à leur niveau de formation.

Cette mission de management des élus est-elle en croissance ?

On a vu apparaître, avec les transferts de compétences et les nouveaux domaines de service public investis par les collectivités, un renforcement du management par les exécutifs, y compris dans leur organisation.
Les communes sont des organisations chargées de produire des services et, à certains égards, elles sont semblables aux entreprises. Les compétences en management de leurs cadres ont considérablement augmenté, même si l’on peut les considérer encore insuffisantes.

Que manque-t-il pour que cette compétence soit exercée pleinement ?

Après le recrutement, la formation et le management, un quatrième niveau est celui du « collectif » : les employeurs territoriaux doivent travailler ensemble dans une relation de partenariat et de dialogue social avec les représentants des agents publics. Aujourd’hui, les associations d’élus ne se comportent pas comme des fédérations d’employeurs. Mais ce n’est ni dans leur culture ni leur vocation. Du côté des organisations syndicales, il y a une prégnance des fédérations au niveau central et de l’Etat. Favoriser le dialogue social au niveau local est pourtant de l’intérêt de tous.

Qu’est-ce un « bon élu manager » ?

Personne ne forme un élu au management. Certains bénéficient d’une expérience acquise dans d’autres circonstances, avec une sensibilité à la gestion des ressources humaines. Mais tous peuvent s’appuyer sur la montée en compétences des DRH. Un bon élu manager sait s’appuyer, dans une relation de confiance et de délégation, sur sa direction générale ou sa DRH. Désormais, la compétence des cadres territoriaux les rend incontournables dans le management. Mais cela doit rester un tandem, car c’est le maire qui doit donner l’impulsion politique.

Comment avance la coordination des employeurs territoriaux ?

La mise en place d’une représentation des employeurs territoriaux à même de négocier avec l’Etat et les organisations syndicales est une nécessité. Le Conseil supérieur de la FPT comprend un collège employeurs, mais qui a comme seule prérogative de pouvoir être consulté. C’est insuffisant : il manque une approche « politique » homogène. La coordination comprend huit associations nationales d’élus, le CNFPT et la Fédération nationale des centres de gestion.

Nous avons déjà échangé avec le secrétaire d’Etat Olivier Dussopt sur le projet de loi de réforme de la fonction publique territoriale et nous rencontrerons prochainement les organisations syndicales. Je souhaite que l’un des premiers dossiers « poussés » par la coordination avec ces dernières soit la protection sociale complémentaire. Dans l’idéal, il serait aussi souhaitable que le porte-parole de la coordination des employeurs signe le protocole sur l’égalité femmes-hommes.

Que va changer le projet de réforme de la FPT pour les employeurs ?

Il prévoit non pas de fixer des règles, mais d’obliger les employeurs à se responsabiliser sur un certain nombre de sujets et à prendre un certain nombre de délibérations. Je pense par exemple qu’il faut les obliger à présenter régulièrement des rapports, des états des lieux aux assemblées délibérantes. Cela impose de s’impliquer et de structurer des politiques RH. Le rapport relatif au temps de travail s’inscrivait déjà dans cette logique : il faut amener les collectivités à renégocier leurs protocoles.

Le pari, à mon sens très atteignable, est que dans les collectivités très en dessous des 1 607 heures de travail annuel, quelles qu’en soient les raisons, des négociations permettront, pourquoi pas avec diverses contreparties, de revenir au cadre légal. C’est, là encore, responsabiliser les employeurs, en les obligeant à négocier et à délibérer. En revanche, je suis tout à fait d’accord pour que les autorisations spéciales d’absence soient réglementées dans le statut, au niveau national et toutes fonctions publiques confondues.

Cette responsabilisation des élus jouera-t-elle aussi en matière de recrutement ?

L’assouplissement des possibilités de recruter des agents contractuels, dans une mesure acceptable et sans remettre en cause le statut, relève en effet de cette logique de responsabilisation. Avec aussi des possibilités de contrats de trois ans renouvelables pour les catégories B et C, et la création des contrats de mission, le projet de loi devrait prévoir des outils à la disposition des élus.

Ce sont des éléments de souplesse dans le management dont ils pourront se saisir. Mais sans porter atteinte au principe d’autonomie de gestion, puisque rien ne sera obligatoire.

Comment sensibiliser les élus à cet appel à la responsabilisation ?

Dans les associations d’élus, les questions de management sont très peu abordées. On parle des textes, mais pas de gestion RH. Le management n’y est pas suffisamment pris en compte, alors qu’il s’agit bien d’employeurs territoriaux. Mais il n’existe pas de solution uniforme que l’on devrait leur imposer.

 

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