Interview Mission Ecoter
« Face à ce défi planétaire, les collectivités territoriales sont appelées à jouer un rôle central, et elles se dotent progressivement d’outils pour lutter contre les dégradations environnementales »
Maire de Sceaux, Secrétaire général de l’Association des Maires de France, Philippe Laurent s’est engagé très tôt en politique. Homme de terrain, n’ayant pas la langue dans sa poche quand il s’agit de défendre les politiques locales des Maires, l’édile est très attaché à la démocratie participative qu’il définit comme le véritable enjeu du devenir environnemental de la planète.
Mission Ecoter : Monsieur le Maire, la Région Ile-de-France est cruellement touchée par le COVID-19, en tant que maire, quel regard portez-vous sur la crise sanitaire que nous traversons ?
Philippe Laurent : En tant que citoyen, je pense d’abord aux victimes du virus, à leurs proches, aux personnels de santé et aux aidants qui se battent depuis tant de mois et qui sont encore si rudement mis à l’épreuve.
Il semble que les hospitalisations refluent, c’est positif. Mais nous devons continuer d’être prudents, de respecter rigoureusement les gestes barrières et de distanciation. Le vaccin n’est pas encore là, le scénario d’une troisième vague après les fêtes de fin d’année n’est pas à écarter.
En tant que maire, je pense à tous les agents du service public notamment local. Ils sont sur le terrain et ne peuvent pas, pour la plupart, télé-travailler. Mon premier devoir est de leur apporter les meilleures conditions de sécurité sanitaires dans leur travail, pour eux et pour leurs proches. Je pense aussi aux commerçants et artisans, aux salariés des entreprises, aux associations, aux artistes, aux sportifs, aux étudiants, aux élèves, aux enseignants, qui toutes et tous subissent les conséquences économiques, sociales de cette situation.
L’administration municipale de Sceaux est pleinement mobilisée pour assurer la continuité des services publics municipaux et déploient les dispositifs de protection aux plus isolés et aux fragiles, en particulier les personnes âgées et vulnérables.
Pour autant, nous avons constaté de réelles difficultés dans la gestion, certes complexe, de cette crise par l’État : trop de verticalité, manque de confiance envers les acteurs locaux, coordination insuffisante entre acteurs de l’État, communication trop tardive des informations et instructions … Si la mobilisation extraordinaire des services publics communaux a pu pallier certaines de ces difficultés, il n’en demeure pas moins que nous avons pâti des stratégies flottantes et parfois contradictoires de l’État dans la gestion de la crise.
Malheureusement l’État ne semble pas avoir retenu la leçon. Sa bureaucratie, très éloigné du terrain et de la vie quotidienne des habitants, n’a pas pris ou ne souhaite pas prendre la mesure de cette réalité et de ces enjeux.
M.E. : Avec cette crise sanitaire, sociale et économique, la territorialisation n’est-elle pas l’arbre qui cache la forêt dans le sens où on a le sentiment d’une vraie régression de la décentralisation ?
P.L. : Cette crise a démontré une nouvelle fois l’importance majeure du maire et du fait communal dans notre pays. Les maires ont montré, avec leur équipe et leurs services, leur capacité d’engagement et de mobilisation pour prévenir, protéger, aider et accompagner leurs concitoyens.
Nous le voyons, il est donc indispensable, pour que ça marche, de placer les collectivités au cœur du plan de relance, car il n’y aura pas d’investissements et de relance pour tous si les collectivités ne sont pas impliquées et motrices.
Malheureusement l’État ne semble pas avoir retenu la leçon. Sa bureaucratie, très éloigné du terrain et de la vie quotidienne des habitants, n’a pas pris ou ne souhaite pas prendre la mesure de cette réalité et de ces enjeux. Une nouvelle preuve récente de cet éloignement est son refus, dans le projet de loi de finances pour 2021, de prendre en compte les importantes pertes de recettes – notamment tarifaires liées à la crise sanitaire – des communes.
Peu ou prou, les collectivités locales sont toujours dans le viseur du pouvoir central. Le nouveau monde est de ce point de vue pire que l’ancien. Le gouvernement et son administration n’ont de cesse de réduire l’autonomie financière et fiscale des collectivités locales, et, partant les libertés locales.
Face à ce défi planétaire, les collectivités territoriales sont appelées à jouer un rôle central, et elles se dotent progressivement d’outils pour lutter contre les dégradations environnementales.
M.E. : Monsieur le Maire, vous êtes très attaché à la démocratie participative, en effet, vous avez lancé une démarche « Parlons ensemble de l’environnement » afin de faire de Sceaux une ville exemplaire en matière de transition écologique, pouvez-vous nous en dire plus ?
P.L. : Vous avez raison, la crise n’est pas seulement sanitaire, économique et sociale. Elle est aussi écologique. L’humanité ne cesse pas de polluer et de réchauffer la planète. Ma responsabilité et celles de tous les élus est à la fois d’agir dans l’urgence face à la pandémie, mais aussi de préparer l’avenir de la présence de l’humanité sur la Terre.
Face à ce défi planétaire, les collectivités territoriales sont appelées à jouer un rôle central, et elles se dotent progressivement d’outils pour lutter contre les dégradations environnementales.
Première ville cyclable d’Ile-de-France, Sceaux est très sensible aux enjeux environnementaux, à son cadre de vie et aux actions pédagogiques en direction des habitants. Avec elle a développé quantité de démarches : éco-quartier, bilan carbone, ZFE, compost, budget participatif, révision du PLU, programme de rénovation énergétique, charte de l’arbre, part du bio dans la restauration collective, jardins partagés, réduction des emballages, etc… Ce nouveau mandat nous permet de poursuivre et d’accentuer ces initiatives. Nous venons de mettre en place un comité consultatif des transitions (CCT) avec des citoyens tirés au sort autour de ces enjeux afin d’impulser et d’accompagner les changements de comportement. C’est dans les gestes du quotidien que chacun d’entre nous pourra efficacement changer les choses. En la matière, nous sommes tous responsables. Le rôle de la commune, c’est à la fois d’être exemplaire et d’entraîner tous les habitants dans les indispensables changements de comportements, avec un regard positif.