Et si l’adversaire de la France, c’était Bercy ? 1. Dette publique : ce qu’on ne dit pas (souvent)

Jour après jour, l’actualité dresse la chronique des impensables erreurs de la forteresse Bercy. Allers-retours sur la fiscalité, découragement de ceux qui essaient de sortir le pays de l’ornière, dénigrements à répétition des agents des communes, accusations envers les élus locaux, mépris à peine voilé pour les parlementaires, enfumage des ministres, incapacité à voir à moyen terme … « Bercy » a de lourdes responsabilités. Au fil de quelques articles, une chronique écrite par un élu local qui en a assez d’être vilipendé comme ses collègues par d’aucuns qui ne mettent pas les pieds au-delà du périphérique.

La dette publique de la France est de l’ordre de 2 000 milliards, à peu près autant que le PIB annuel. Chaque année, cette dette coûte environ 3% en taux moyen, donc 60 milliards d’euros d’intérêts payés aux prêteurs.

Au milieu des années 80, le gouvernement Fabius, dans lequel Pierre Bérégovoy était ministre des Finances, se prend de passion pour les marchés financiers. Le MATIF est créé, les swaps déferlent, les courtiers prospèrent, c’est le règne de l’argent facile et international. L’Agence France Trésor, récemment créée et peuplée de bercysiens (on ne dit pas encore comme cela, car le ministère est toujours rue de Rivoli, jusqu’en 1990 !) a l’idée du siècle : pour garder la confortable épargne des Français au service de l’économie productive, on va « vendre » le papier public à l’étranger ! Voici nos bercysiens partis sur toutes les places financières du monde pour des « roadshows » financiers destinés à vanter l’excellence de la dette publique française. Ca marche … de ce point de vue. Aujourd’hui, plus des deux-tiers de la dette publique sont détenus par des non-résidents. Souvenez-vous de vos années de jeunesse, où l’on  voyait les affiches dans les bureaux de poste « Souscrivez aux bons du Trésor » : disparues à tout jamais. Les Chinois, Brésiliens, Indiens, Qataris, etc… achètent de la dette publique française.

Parfait, direz-vous, comme cela l’épargne française a pu être préservée pour financer l’économie hexagonale. Et bien même pas. Les Français, fidèles à eux-mêmes, ont préféré la pierre à l’économie et aux entreprises. Le prix de l’immobilier a ainsi progressivement augmenté, faisant de tout propriétaire un rentier en puissance et le conduisant à se rapprocher dangereusement du seuil de l’ISF. La France et la plupart des Français n’y ont rien gagné.

Ils y ont même perdu. Deux tiers des 60 milliards d’intérêts payés chaque année sur la dette publique sont versés à des non-résidents, sortent de France, ne sont pas recyclés sur place. De la perte nette de croissance et de consommation pour le pays. 40 milliards évaporés chaque année, parce que de jeunes et brillants bercysiens se sont enivrés d’international (il y a prescription aujourd’hui, certains sont à la tête de très grandes entreprises et intouchables).

Les Japonais, eux, ont été plus malins : leur dette publique atteint 200% du PIB (deux fois plus que nous), mais elle est détenue quasi exclusivement par des résidents japonais. Les intérêts versés aux prêteurs sont recyclés dans l’économie du pays, et ils se moquent de ce qu’on dit de leur pays à l’extérieur. C’est comme cela que ça marche. C’est simple comme l’économie de grand-père, quand on disait qu’on « lave son linge sage en famille » !

Alors aujourd’hui, que faut-il faire ? Prier pour que l’image du pays à l’extérieur ne soit pas trop dégradé, pour que les non-résidents continuent de prêter. Franchement, avec les volte-face à répétition du gouvernement, c’est mal parti. Faire en sorte de « renationaliser » la dette. Ce serait possible, par exemple en transformant certains impôts en emprunts forcés à souscrire par les résidents et destinés à rembourser les non-résidents. Au moins les intérêts versés resteraient en France. Encourager la souscription d’emprunts publics par le public français : c’est par exemple ce que nous pourrions faire avec l’Agence France Locale (qui va émettre sur le marché pour les collectivités locales), mais aussi avec de nombreux organismes d’assurance. Il suffit pour cela d’une fiscalité adaptée.

Cette question de l’évasion des intérêt de la dette publique, personne ou presque n’en parle. Répétons-le : il s’agit d’une somme colossale de 40 milliards d’euros chaque année, pratiquement le montant de tous les investissements des collectivités locales. Au moins, exigeons un plan de l’Etat et de Bercy pour lutter contre cette évasion légale et rapatrier ce qui peut l’être. Ce serait une première façon de rattraper l’erreur majeure et grossière commise il y a trente ans.

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