Dialogue social : « La responsabilité des employeurs territoriaux doit être accompagnée d’une responsabilité fiscale »

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Le projet de décret sur la protection sociale complémentaire ne devrait fixer que des minimums de participation des employeurs territoriaux. Charge aux partenaires sociaux de les améliorer dans le cadre d’une négociation à venir, garantie par un pré-accord de méthode signé par les associations d’élus et quatre syndicats à ce jour. Un processus qui rompt avec les pratiques actuelles, et qui s’inspire des modes de négociations du secteur privé. Explications de Philippe Laurent, porte-parole de la Coordination des employeurs territoriaux et président du CSFPT

Comment est né l’accord de méthode qui accompagne la mise en place de la PSC ?

Depuis 2011 et les décrets qui ouvraient la possibilité pour les employeurs de participer à la protection sociale complémentaire de leurs agents, plusieurs rapports et les syndicats, avaient fait valoir des besoins d’ajustements techniques, des imperfections.

Quand l’ordonnance PSC est parue en février 2021, on ne s’est pas attardés sur tous ces points et l’ordonnance elle-même n’est pas très bien rédigée, car elle évoque un pourcentage de participation des employeurs, alors qu’en réalité il s’agit d’un pourcentage d’un montant fixé par décret.

La ministre, de son côté, voulait que les décrets voient le jour avant l’élection présidentielle, et que les minimums soient fixés. Elle nous a également demandé de revenir sur les points techniques que j’évoquais plus haut après la publication des décrets.

Tous ces éléments nous ont conduits à proposer aux syndicats de prendre en main tous ces sujets dans un deuxième temps, après avoir fixé les paramètres minimum dans les décrets. Ce qui était tout à fait insuffisant pour les syndicats. D’où notre engagement, auprès d’eux, de reprendre la discussion sur le toilettage du décret de 2011, pour l’améliorer. Et de concrétiser cet engagement dans un accord de méthode.

La ministre a d’ailleurs salué ce qu’elle considère comme un progrès dans la gouvernance puisque les employeurs territoriaux et les organisations syndicales signataires de cet accord de méthode discutent ensemble sans que l’État, le gouvernement, n’y participe. Ce n’est qu’en fin de négociations que l’État reviendra dans la discussion, pour produire du droit, sur la base de nos négociations.

L’institutionnalisation de la coordination des employeurs territoriaux n’entraine-t-elle pas, à terme, la disparition du CSFPT et le dialogue tripartite État/employeurs/agents ?

Non, parce que nous intervenons en amont. Le Conseil supérieur, lui, est l’instance officielle de délivrance d’un avis qui touche essentiellement les questions statutaires. Le principe, c’est que nous discutions avec les syndicats et trouvions les principes d’un accord. Cet accord doit ensuite être traduit en droit, pour pouvoir être généralisé et en faire une obligation pour tous les employeurs territoriaux. C’est là que le gouvernement revient pour valider tout ou partie de l’accord et soumet alors au Conseil supérieur son projet de décret.

C’est un processus que l’on connaît déjà, d’une certaine manière, dans le cas des rapports en autosaisine du CSFPT, qui résulte d’une discussion avec les OS, sans que le gouvernement ait son mot à dire quand ce rapport, avec ses propositions, est voté par les employeurs et les syndicats. Et nous avons fait en sorte que le collège employeur du CSFPT soit composé quasiment des mêmes personnes que les représentants des associations d’élus qui composent la coordination.

C’est d’ailleurs un fonctionnement assez similaire que dans le secteur privé, où le Medef et les syndicats négocient sur tel ou tel sujet, mais pour les valider, il faut ensuite un texte ministériel.

En quoi cette nouvelle façon de négocier est-elle plus avantageuse que le dialogue actuel ?

Parce qu’elle responsabilise davantage les employeurs territoriaux, qui doivent s’engager collectivement. Ils ne peuvent pas se contenter, comme c’est le cas aujourd’hui, de ne pas tenir les mêmes discours localement et au plan national, en reprochant à l’État de les empêcher d’agir.

L’autre progrès, c’est une prise d’autonomie des syndicats de la territoriale par rapport à leurs fédérations de fonctionnaires nationales. FO, l’UNSA, la FA-FPT et la CFDT ont signé le pré-accord de méthode.

N’est-ce pas la voie vers un éclatement du statut de la fonction publique territoriale ?

Certains peuvent en effet le voir comme un risque. Mais ça peut aussi être perçu comme une opportunité ! En revanche, pour que ce soit une opportunité, il faut que les employeurs territoriaux soient pleinement responsabilisés et qu’ils aient leurs propres marges de manœuvre.

Dans notre rapport sur l’attractivité, nous relevons que tel ou tel métier n’est pas assez payé, mais que peuvent y faire les élus s’ils n’ont pas de marge de manœuvre, de ressources, autrement dit d’autonomie fiscale ? En réalité, ils ne peuvent rien faire. La responsabilité des employeurs territoriaux doit être accompagnée d’une responsabilité fiscale.

Ce que nous sommes en train de faire est une conséquence de la décentralisation, mais on le fait en même temps que la décentralisation recule !

Comment éviter des inégalités salariales grandissantes selon que les agents travaillent dans des collectivités « riches » ou « pauvres » ?

Cela existe déjà, mais pas sur le traitement en effet, et il y a donc des limites. Cela fait aussi partie des réflexions que nous devons conduire, et qui ne sont pas réglées à ce stade.

C’est ce qui se passe déjà dans les branches professionnelles, dans le secteur privé, avec des minimas qui sont fixés et des entreprises qui vont au-delà.

La négociation collective prend alors tout son sens, pour fixer les minimas, et éviter toute surenchère, vers le haut ou vers le bas. Par exemple, le régime indemnitaire est facultatif aujourd’hui. Mais la question peut se poser de fixer un minima obligatoire.

Comment comptez-vous unifier les visions des différentes strates de collectivités, qui ont des structures d’effectifs, et donc des besoins, différents ?

Nous nous plaçons dans une configuration où la coordination des employeurs territoriaux parvient à un accord de l’ensemble. Et si d’aventure ce n’était pas le cas, mais qu’on avait un accord très majoritaire, par exemple sans l’accord d’une strate, alors on prendrait le risque de porter cet accord devant le gouvernement, qui le rendrait obligatoire, sur la base d’un accord majoritaire.

Mais ces hypothèses sont en devenir, on y travaille. Et c’est très en ligne avec l’ordonnance sur la négociation collective. Elle a été conçue dans une vision principalement syndicale ; ce que nous faisons là, c’est d’y intégrer les employeurs.

Quelle va être la suite, après la conclusion de ce pré-accord de méthode ?

Nous avions déjà des discussions avec le gouvernement, comme représentant de l’ensemble des associations d’élus. Là nous sommes reconnus par les syndicats qui ont signé. La nouveauté est là, dans leur reconnaissance que cette méthode peut être intéressante. Ensuite, la coordination est constituée des associations d’élus donc, à qui on rajoute la FNCDG, et le CNFPT, avec le collège employeur du CSFPT.

D’ailleurs, l’accord de méthode est signé par les associations, pas par la coordination des employeurs, qui n’a pas d’existence juridique, mais morale. C’est du droit très souple. Mais encore une fois, cela existe déjà dans le privé, avec le Medef, qui n’a pas d’existence juridique le désignant comme porteur de la voix des employeurs, mais est reconnu de facto comme interlocuteur.

Un élément pourrait jouer en faveur d’une institutionnalisation de la coordination : il va falloir une structure capable de porter des actions nationales de promotion de la FPT, accompagnée des financements nécessaires, comme nous l’évoquons dans le rapport attractivité. Cela n’existe pas aujourd’hui, mais les associations d’élus pourraient apporter les fonds nécessaires à ces actions.