Commerce de proximité : danger !
Nul ne le nie plus : le maire d’une ville ne peut pas se désintéresser de l’avenir du commerce et de l’artisanat de proximité. Chacun a désormais bien compris que cette forme de commerce et d’artisanat non seulement constituait une activité économique à part entière, mais était aussi un facteur irremplaçable de lien social, d‘occasions de rencontres, de lutte contre l’isolement, de qualité urbaine du cadre de vie et de services au quotidien.
Peu à peu, les villes se sont dotées d’outils adaptés au maintien et au développement du commerce de proximité, et parfois, la loi a suivi et en a permis la mise en oeuvre : développement de la qualité des espaces publics, actions d’animation, mise en place d’actions concertées avec les associations de commerçants et les chambres consulaires (par exemple dans le cadre de l’appel au FISAC), recrutement de « managers de centre ville », définition de périmètres de préemption des fonds de commerce, intégration d’un volet « commerce et artisanat » dans les plans locaux d’urbanisme, etc. Et c’est tant mieux.
Il reste pourtant un domaine où les pouvoirs publics restent démunis, c’est celui des loyers commerciaux. Ceux-ci restent gouvernés par une grande liberté de fixation, lorsque bien entendu le bail vient à échéance. Les agences immobilières en charge de gérer les murs commerciaux pour le compte de propriétaires (parfois eux-mêmes anciens commerçants …) rivalisent pour « prendre des parts de marché », et certaines en arrivent même à acquérir un quasi-monopole sur des quartiers entiers, en séduisant les propriétaires par des promesses de rendements élevés pouvant atteindre les 20% annuels. Dans certaines communes, comme Sceaux, la hausse peut atteindre jusqu’à 300% et conduit à des montants de loyers, réduisant pratiquement à néant toute chance de reprise par un commerçant de détail indépendant du bail, voire même condamnant le maintien de l’activité existante. Il n’est pas certain d’ailleurs que les propriétaires eux-mêmes y gagnent à long terme, car de telles conditions risquent de précipiter le rythme de rotation … ce que recherchent du reste les agences appâtées par le volume des commissions.
Il y a dans cette attitude irresponsable un véritable danger, ce d’autant plus que ces conditions de loyers viennent s’ajouter au prix du fonds de commerce en cas de reprise, alors même que ce prix est nul en cas de nouveau commerce, comme dans les centres commerciaux. Ce danger est avéré, et peut fort heureusement donner lieu à une mobilisation citoyenne lorsque le commerce « attaqué » est particulièrement emblématique : c’est le cas avec la librairie « Le verger des muses », à Bourg-la-Reine, dont le maintien est menacé non par une activité déclinante, mais par une augmentation démesurée du loyer au renouvellement de bail.
Le temps est donc venu pour le gouvernement et le législateur de se préoccuper de ce dossier, et de permettre d’édicter des normes d’évolution des loyers comme c’est le cas dans le secteur du logement. Faute de quoi, tous les outils mis en place depuis quelques années se révèleront inopérants. Et les réels efforts des maires pour le maintien et le développement du commerce et de l’artisanat de proximité auront été vains.