[Mediapart] Les transports franciliens méritent un financement universel
La situation des transports publics en Île-de-France est un sujet de préoccupation majeure pour les Franciliens. En effet, ces dernières années – et d’autant plus depuis la crise sanitaire –, les difficultés se sont multipliées, avec des retards fréquents, des pannes à répétition et une qualité de service dégradée.
Cette situation est d’autant plus préoccupante que les transports en commun sont essentiels dans nos vies quotidiennes. Le service public des transports, notamment dans notre région, est un service public vital, parce que pouvoir se déplacer en sécurité et avec un niveau minimal de confort est l’une des demandes essentielles d’une large majorité de Franciliens. C’est un service public écologiquement et socialement vertueux, qui permet en outre de réduire les déséquilibres territoriaux. C’est aussi un service public qui profite à tous, y compris à ceux qui ne l’utilisent pas directement, par exemple parce qu’il permet de réduire la circulation automobile, de la rendre plus fluide et de diminuer le niveau de pollution.
À plus d’un titre, les transports dessinent la physionomie du territoire dans notre mémoire visuelle : nous connaissons souvent mieux leurs symboles que ceux des institutions sur le plan local. Ce rapport très personnel des Franciliens à ces infrastructures lourdes du quotidien explique également leur mécontentement face à des dysfonctionnements trop nombreux, et fonde leur légitime exigence quant à la continuité effective d’un service public qui compte autant pour la plupart d’entre eux que le service public de la santé, de la sécurité ou de l’école.
Il est donc urgent d’agir pour améliorer la situation. Cela passe par l’utilisation de nouvelles technologies et des investissements massifs dans les infrastructures et les matériels, mais aussi par une gestion encore plus tournée vers l’usager. Les besoins quotidiens des Franciliens doivent être au cœur des préoccupations des autorités en charge des transports publics.
À ce titre, le nouveau réseau du Grand Paris Express joue un rôle important dans le développement et la modernisation de nos transports : nouveaux quartiers, nouvelles liaisons rapides et automatiques entre les pôles économiques, universitaires et culturels de la région parisienne. Mais, à moyen terme, il ne faudrait pas qu’il soit le seul réseau francilien au fonctionnement efficace et moderne.
Or, contrairement au financement des investissements qui peuvent être assurés par une politique d’emprunt amortissable à long terme (la dette du métro parisien a été remboursée en près de 80 ans), les coûts d’exploitation du réseau par Ile-de-France Mobilitésreprésentent 10,5 milliards d’euros par an, qui doivent être équilibrés par des ressources définitives et renouvelables chaque année. Or, à recettes inchangées, cet équilibre ne sera plus atteint dès 2024, et le déficit prévisionnel s’aggravera progressivement pour atteindre à terme près de 2 milliards d’euros compte tenu de la mise en service des lignes du Grand Paris Express. Et les sources de financement actuelles (tarification, financement par les employeurs et contributions des collectivités locales) ont atteint un niveau considéré comme maximal.
Au financement d’un service public essentiel profitable à tous (et pas seulement aux usagers), il faut affecter un impôt le plus universel possible. En janvier dernier, lors des assises sur le financement des transports franciliens, le groupe UDI du Conseil régional a proposé de combler l’essentiel du besoin de financement de l’exploitation par la création d’un impôt local nouveau dont le taux serait modeste, mais à l’assiette large : une « contribution transports généralisée » sur tous les revenus de tous les Franciliens pour les transports urbains décarbonés. En termes de consentement à l’impôt, c’est la solution la plus indolore possible pour tous les Franciliens, car la plus équitablement et la plus solidairement répartie.
Il y a urgence pour assurer la pérennité des transports publics franciliens. Les transports publics ne sont pas une activité ou un « produit » comme les autres. Le gouvernement et le Parlement doivent enfin les reconnaître comme services publics essentiels, et donc permettre aux autorités organisatrices – en Ile-de-France, de fait, la Région – de lever pour les financer un impôt universel, payé par chacun en fonction de sa capacité contributive. A défaut, de bricolage en bricolage et d’ajustement en ajustement, le territoire régional perdra inéluctablement en attractivité, et en qualité de vie pour tous les habitants.