Dépenses des collectivités locales: 5 rappels pour un débat juste et des décisions efficaces
La chasse à la dépense publique est ouverte. Depuis que François Hollande a réaffirmé l’objectif de réaliser au moins 50 milliards d’euros d’économies entre 2015 et 2016, on se remue les méninges à tous les étages ministériels. Quelles seraient les dépenses sinon « inutiles », du moins « superflues »? Quels sont les mauvais élèves, ceux sur qui concentrer l’effort? Quelles sont les réformes de structure à la fois utiles et acceptables par les Français en ces temps de crise économique et sociale aigüe?
Une chose est sûre : les collectivités locales devraient une nouvelle fois être mises à contribution. Dont acte.
Oui, l’effort doit être partagé. Non, il n’est pas question pour les collectivités d’y échapper. Oui, les élus locaux sont prêts à faire des choix difficiles. Non, ils ne sont pas conservateurs, en tous cas pas davantage que les autres!
En revanche, pour que ce débat débouche sur des décisions acceptables, donc à la fois justes et efficaces, il ne faudrait pas faire des collectivités territoriales des boucs-émissaires bienvenus. La tentation est sans doute grande, chez certains responsables politiques, de profiter des difficultés des élus locaux à se faire entendre pour leur faire porter une partie démesurée de l’effort. Il est donc temps de rappeler quelques données à prendre en compte dans la réflexion en cours.
Les collectivités locales représentent 230 milliards de dépenses publiques, dont 160 milliards de fonctionnement, 50 milliards d’investissement et 20 milliards de charges de la dette contractée pour les investissements.
Première réalité: ces chiffres sont assez stables depuis plusieurs années, il n’y a pas d’envolée soudaine et délirante des dépenses des collectivités.
Deuxième réalité: contrairement à l’Etat, les collectivités ne financent pas leur fonctionnement par la dette puisqu’elles dégagent globalement une capacité d’autofinancement (recettes – dépenses de fonctionnement) de 30 milliards d’euros.
Troisième réalité: la baisse affichée du budget de l’Etat entre les lois de finances de 2013 et 2014 (1,5 milliard d’euros) correspond précisément aux économies réalisées grâce au gel des dotations aux collectivités locales! Autrement dit, l’Etat réalise des économies sur le dos des autres.
Quatrième réalité: les collectivités sont déjà engagées dans un processus de maîtrise de la dépense publique. Et pour cause: tandis que leurs recettes baissent, leurs charges augmentent, sous l’effet cette année de la hausse de la TVA, ou encore de la revalorisation de la grille des fonctionnaires de catégories C, qui pèse essentiellement sur les collectivités locales.
Cinquième réalité: à court terme, toute remise en cause complémentaire des marges de manoeuvre financières des collectivités locales conduira à une baisse des investissements, donc à une diminution de l’activité et à une moindre contribution à l’emploi. A long terme, ne fermons pas les yeux, nous parlons bien de la fin pure et simple de certains services publics. Assez des discours démagogiques et populistes! Il n’est pas question ici de frais de bouches ou de réception injustifiés, mais bien d’éducation ou de réalisation et d’entretien d’infrastructures.
Voilà quelques éléments et précisions à prendre en compte, non pas pour se défausser, mais bien pour éviter des jugements erronés, des discours injustes, et des décisions inefficaces. Il nous faut ensemble faire des choix difficiles. Assumons-les et ne mentons pas aux Français en appelant « gaspillages » des investissements concrets et des services quotidiens plébiscités par nos concitoyens.
Sur cette base, les élus locaux sont évidemment tout à fait prêts à prendre part à l’effort national!
(Tribune parue dans le Huffington Post en mars 2014)