Déficit public en baisse : et si c’était une mauvaise nouvelle ?
Le 26 mars dernier, le gouvernement annonçait un déficit estimé pour l’année 2014 à 4,0% du PIB, soit un pourcentage inférieur de 0,4 point aux dernières prévisions et de 0,1 point au déficit enregistré en 2013. Le Premier ministre et le ministre de l’Economie s’en sont naturellement immédiatement félicités en s’attribuant tout le mérite de ce résultat
Or, le gouvernement a tort de se prévaloir de ce qu’il considère comme un bon résultat. Au contraire même. Car, à regarder de près la décomposition du déficit selon la note de l’INSEE, on note que si le déficit budgétaire global (au sens Maastricht) a légèrement baissé entre 2013 et 2014, passant de 86,4 milliards à 84,9 milliards d’euros, le déficit de l’Etat lui-même à continué à croître considérablement, passant de 69,8 à 74,7 milliards, alors que celui attribué aux collectivités locales diminuait de près de moitié, passant de 8,5 milliards à 4,5 milliards ! De quoi confirmer, en quelque sorte, ce que nous disons depuis longtemps : l’administration d’Etat, pourtant arrogante, mais incapable de maîtriser ses dépenses et de se réformer, fait peser sur les autres acteurs publics les conséquences de ses insuffisances, et demande aux autres de faire les efforts.
Mais il y a pire. Selon l’INSEE, la diminution du déficit des collectivités locales est due à la baisse importante du besoin de financement des investissements, car ceux-ci sont eux-mêmes en diminution de 4,8 milliards. La baisse du déficit, c’est uniquement la baisse des investissements ! La crainte d’un effondrement encore plus massif de l’investissement public local en 2015, compte tenu des ponctions insupportables que fait peser l’Etat sur les budgets locaux, crainte que l’Association des maires de France exprime depuis de longs mois, est donc plus que jamais avérée, avec son cortège de fermetures d’entreoprises et de nouveaux chômeurs.
Ainsi, ce que le pouvoir central présente comme une bonne nouvelle est en réalité l’annonce d’une catastrophe pour la France et les Français : une dégradation rapide de la qualité des infrastructures de nos territoires, une augmentation du chômage et une perte d’attractivité suicidaire à terme de quelques années. Incapable de gérer le court terme, manipulant les chiffres, cherchant des boucs émissaires et masquant la réalité aux Français, le pouvoir central sacrifie les intérêts à moyen terme de notre pays. Mais cela présente pour lui un avantage considérable : sa capacité à communiquer et à trouver des boucs émissaires lui permet finalement de stigmatiser, puis de « mettre au pas » les collectivités locales et les élus locaux et de mettre fin à 30 années de décentralisation institutionnelle, en manipulant habilement l’opinion.
Ajoutons que cet invraisemblable mécanisme, qui permet de rendre positive une évolution en réalité très préoccupante, démontre une fois de plus l’inanité de ces fameux « critères » de Maastricht, qui confondent déficit de fonctionnement et besoin de financement des investissements, handicapant de la sorte les Etats et collectivités publiques qui investissent et aménagent leur territoire. Si l’Allemagne obtient les résultats que l’on sait, c’est bien – au moins en partie – parce que les investissements publics ont été sacrifiés : les effets commencent d’ailleurs à s’en faire sentir et préoccupent les dirigeants allemands ! La France – pas plus que les autres pays européens – ne doit pas prendre ce même chemin mortifère à long terme. C’est pourquoi l’ensemble des associations d’élus locaux de tous les pays de l’Union européenne ont voté unanimement une motion en décembre dernier, à Rome, demandant la réécriture des « critères » et l’évolution des normes comptables. Le Comité des Régions de l’Union vient de voter un rapport allant dans le même sens. On attend du Parlement européen la même clairvoyance. Et ensuite de la Commission et des Etats membres une vraie prise en compte des intérêts légitimes des peuples. Pour que l’Europe, aussi, redevienne l’Europe que nous aimons.