Clause de compétence générale : et si c’était celle de l’Etat qu’il fallait supprimer ?
Le séisme territorial annoncé par le Premier ministre – qui se donne quand même le temps, et qui ne sera sans doute plus Premier ministre lorsque les annonces deviendront réalité, si elles le deviennent – n’est finalement pas si nouveau. Et l’air de la chanson commence à être une ritournelle …
Tout d’abord, la réforme proposée n’est justifiée que pour des raisons économiques et budgétaires, et non par la meilleure mise en œuvre de politiques publiques. Car ce n’est naturellement pas le fonctionnement des institutions qui coûte cher, mais les politiques publiques qu’elles mettent en œuvre et qui traduisent des choix politiques. On peut supprimer les départements, mais qui paiera les collèges, la voirie départementale, les prestations sociales ?
Ensuite, il n’y en a que pour l’Etat. Pas un mot sur les 1,9 millions d’agents territoriaux, au service direct des Français dans nos collectivités locales, et singulièrement des communes. Le service public, il se vit d’abord au niveau local, au plus proche des gens. Les employeurs territoriaux ne sont pas des chefs de bureau de ministère : ils ont une vraie responsabilité sociale, et cela concerne des personnes et non des statistiques.
Et puis, il est si facile de « taper » sur les élus locaux. Bien plus facile, par exemple, que sur les dépenses de santé, d’absentéisme ou de gabegie de médicaments : les lobbies y sont bien plus puissants et c’est politiquement plus dangereux. Les élus locaux, eux, mal organisés, insuffisamment solidaires, se taisent et subissent, persuadés qu’ils sont qu’ils s’en sortiront chacun dans son coin. Grave erreur.
Enfin, on confond taille et pouvoirs. Ce n’est pas d’agrandir les régions qui les rendra plus efficaces, c’est de leur faire davantage confiance pour conduire des politiques décidées par elles-mêmes. Certains cantons suisses sont très petits, mais disposent de pouvoirs considérables, et surtout d’une légitimité politique forte.
En réalité, la réforme annoncée ne traduit rien qui vienne profondément changer la nature institutionnelle du régime, et donc résoudre les difficultés majeures qu’éprouve le pays et qui relèvent d’une immense lassitude démocratique. La principale de ces difficultés est naturellement la mainmise de la haute administration d’Etat, avec la complicité du système pseudo-présidentiel, sur tout le pays, avec le centralisme absolu qui en résulte, l’excès de normalisation, le refus de prendre en compte les spécificités locales, la promotion d’un égalitarisme de façade, la certitude d’avoir en tous points raison, le mépris à peine voilé des autres (au moins de ceux qui ne détiennent pas le pouvoir des médias et/ou de l’argent), la tentation permanente pour une caste très limitée en nombre de s’arroger tous les pouvoirs à son profit. Bref, un système qui étouffe le pays pour le profit et la carrière de quelques-uns.
En réalité, la vraie réforme, ce serait de passer à une culture fédéraliste, pour libérer les énergies locales et responsabiliser tous les acteurs des territoires. La vraie réforme, ce serait bien de supprimer la clause de compétence générale, non des collectivités locales, mais de l’Etat lui-même, pour qu’il cesse enfin de s’occuper de tout !