Protéger l’AMF, préserver la voix des maires
par Philippe LAURENT, maire de Sceaux, vice-président de l’Association des maires de France

Les temps sont durs pour les communes et pour les maires. Crise démocratique, tensions budgétaires, violences, normes envahissantes complexité croissante des prises de décision, raréfaction – voire disparition – du soutien de l’Etat, responsabilités accrues : jamais le rôle des maires n’a été aussi difficile. Et jamais il n’a été aussi fragile.
Le consensus de notre société, autrefois très large, autour de notre modèle social, qui repose sur des valeurs d’humanisme et desolidarité et l’existence de services publics forts et universels, s’effrite, sans d’ailleurs que des alternatives claires et cohérentes soient réellement proposées. Nous, les maires, sommes l’un des derniers remparts, nous qui résistons encore à ce lent délitement, nous qui nous battons pour le maintien, partout, de nos services publics du quotidien, indispensables à la vie de nos concitoyens, avec l’appui de nos équipes et de nos administrations communales, remarquables et profondément attachées à leurs missions.
Nous bénéficions encore de la confiance d’une large majorité de nos concitoyens. Et pourtant, nous-mêmes, notre gestion, notre propre exigence de l’intérêt général, faisons l’objet de critiques infondées, de fausses analyses, voire de mépris, de la part d’une partie certes infime, mais très puissante, de la haute administration de notre pays. Résultat : un appauvrissement progressif, une défiance réciproque généralisée et une mise sous tutelle de fait des communes, en passe de devenir de simples sous-traitantes de l’administration centrale.
Nous devons donc résister et nous battre. Non pas pour préserver notre statut et notre pouvoir, mais parce que nous sommes profondément convaincus que l’existence de communes fortes et responsables est une condition indispensable de la cohésion socialeet territoriale de notre pays.
Pour ce faire, nous avons un besoin impératif d’une voix commune qui porte et qui compte. Cette voix, c’est celle de l’Association des maires de France (AMF). Elle doit rester forte, unie, rassemblée et capable de fédérer toutes les forces politiques et toutes les organisations représentant les communes et leurs intercommunalités.
Elu local de longue date, et parmi les plus anciens membres du bureau de l’AMF, il m’appartient aujourd’hui de dire ceci : nous devons protéger ce bien commun qu’est l’Association des maires de France. Depuis plus d’un siècle, l’AMF est un espace de dialogue, de rassemblement et de représentation. Elle porte la voix des maires, toutes sensibilités confondues, dans un respect mutuel qui fait sa force. Elle a toujours su incarner la diversité des territoires et des opinions sans jamais s’enfermer dans des postures partisanes. Au sein des instances de l’AMF, la richesse des échanges, la qualité des débats internes, et l’engagement de centaines d’élus montrent que l’AMF conserve une énergie précieuse et un rôle essentiel à jouer, y compris en rassemblant au-delà d’elle-même.
L’Association des maires de France doit préserver cette autorité morale, patiemment construite, qui lui permet de peser dans le débat public. Lorsque l’AMF parle, c’est la République des communes qui s’exprime. L’AMF n’est ni un parti, ni une tribune. Chaque parole de l’AMF engage. Elle doit donc être mesurée, argumentée, fidèle à notre pluralisme.
Je forme le vœu que l’AMF garde le chemin d’un consensus exigeant, d’une parole forte mais fédératrice, capable de parler à l’ensemble des élus de la République. C’est à cette condition qu’elle restera ce qu’elle a toujours été : la maison des maires, au service des Français et de la France des territoires.
Avril 2025