Ma tribune publiée dans Le Monde – 23 octobre

Face à la tentation d’un concours Lépine des fausses bonnes idées, il est temps de rappeler les principes fondamentaux qui doivent guider la gestion des finances publiques et l’action des collectivités territoriales. Alors que le gouvernement envisage une ponction de plus de 5 milliards d’euros sur les budgets des collectivités locales, et que certains acteurs du débat public semblentvouloir pousser plus loin encore, il est essentiel de redonner toute sa place à la raison et à la cohérence dans ce débat essentiel pour l’avenir de notre République.

Les propositions récentes, qu’elles viennent decertainsthink tanks ou de personnalités politiques, semblent s’inscrire dans une logique purement comptable déconnectée des réalités du terrain et des missions fondamentales du service public. Il est inacceptable et irresponsable de réduire l’action publique locale à une simple ligne budgétaire.

Ce ne sont pas des chiffres abstraits que nous devons gérer, mais bien les besoins des citoyens, les services de proximité (petite enfance, école, culture, sport, social…) qui garantissent la cohésion sociale et territoriale de la nation et le lien démocratique qui unit nos collectivités à notre République.

Dérive préoccupante

Il ne s’agit pas simplement d’économies « nécessaires », mais d’une attaque frontale contre les services publics de proximité. Ces mêmes services qui, commele montre une étude Kantar de juin 2023, sont plébiscités par 81 % des citoyens pour leur efficacité et leur importance dans la vie quotidienne. Est-ce cela qu’on veut sacrifier ? Est-ce cela la vision que nous avons pour la France de demain ?

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Affirmer, comme le fait l’Institut Montaigne, que « les recettes sont le principal facteur explicatif des dépenses » dans les collectivités locales est non seulement simpliste, mais aussi dangereux. Il ne suffit pas de réduire les recettes pour espérer contenir les dépenses, car ces dernières sont le reflet des besoins croissants des Français. Les collectivités locales doivent investir massivement pour répondre aux défis actuels, qu’il s’agisse de la transition écologique ou du maintien de services essentiels comme l’éducation ou la prise en charge du grand âge.

Que dire, enfin, de l’idée avancée de supprimer le Centre national de la fonction publique territoriale sous prétexte de réaliser des économies ? Cette proposition témoigne d’une méconnaissance totale du rôle fondamental que joue cette institution, d’une part dans la formation des agents territoriaux, qui sont les garants du bon fonctionnement et de la qualité de nos services publics locaux, d’autre part dans la mutualisation des moyens entre grandes et petites collectivités, et enfin dans la cohésion de la fonction publique territoriale.

Nous assistons aujourd’hui à une dérive préoccupante : celle d’une technocratie comptable qui tend à oublier les fondements mêmes de notre République. Le service public, qu’il soit national ou local, n’est pas un luxe, c’est le patrimoine commun, et notamment de ceux qui ne possèdent rien. Il est le socle de l’égalité, de la solidarité et de la fraternité qui cimentent la nation et notre société. Derrière chaque poste supprimé, chaque euro retiré aux collectivités, ce sont des services rendus aux citoyens qui disparaissent. C’est la République elle-même qui s’éloigne un peu plus de ses territoires.

Sortir du dogme de l’austérité

A l’heure où certains semblent s’abîmer à l’envi dans des propositions irréfléchies et démagogiques, il est de notre responsabilité, en tant qu’élus et défenseurs du bien commun, de rappeler qu’un Etat fort est un Etat qui fait confiance à ses collectivités et d’appeler enfin au sérieux et à la responsabilité les dirigeants politiques nationaux.

Plutôt que de couper les moyens des communes, des départements et des régions, il est temps au contraire de leur redonner la capacité d’agir, d’innover, et de répondre aux défis d’aujourd’hui et de demain. Il est temps de sortir du dogme de l’austérité et de redonner au service public la place qu’il mérite dans notre société. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : la préservation de la cohésion républicaine, la défense de l’égalité territoriale, et la garantie que chaque citoyen, où qu’il se trouve, puisse bénéficier des services dont il a besoin pour vivre dignement.

https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/10/23/philippe-laurent-maire-de-sceaux-le-service-public-qu-il-soit-national-ou-local-n-est-pas-un-luxe-c-est-un-patrimoine-commun_6358658_3232.html