Les maires ont rendez-vous avec le futur
Le 22 mars, les maires de France recevront les candidats admis à concourir pour la prochaine élection présidentielle. Ils écouteront avec attention les propositions de chacun pour faire vivre nos territoires. Ils leur demanderont aussi quinze engagements, qu’aucun, selon les bribes de projet que nous avons entendues jusqu’alors, ne semble à même de respecter.
Les maires de France ont toujours eu des relations bien particulières avec les présidents de la République française. Il n’y a pas si longtemps, en 1958, ce sont les maires et les délégués des conseils municipaux qui composaient la plus grande part du collège électoral présidentiel. La réforme constitutionnelle de 1962 est venue « libérer » le président de l’empreinte municipale. Mais la venue du président de la République au congrès des maires de France est toujours un événement. Les présidents successifs ont d’ailleurs généralement prononcé leur meilleur discours à l’intention des maires lors de leur dernière venue, à la fin de leur mandat. Ce fut notamment le cas avec le discours admirable de François Mitterrand au congrès de novembre 1994, commencé avec cette phrase : « Quand je vous vois, je vois la France ». Comme si, au crépuscule du mandat, se recentrant sur l’essentiel et loin des joutes politiciennes et partisanes, les présidents de la République reconnaissaient aux maires un rôle bien particulier dans la France de toujours. Les présidents de la République aiment bien les maires.
Seulement voilà. Même les présidents de la République n’ont pas pu empêcher la lente et inexorable dérive technocratique du système de gouvernement, ni la perte concomitante de la volonté politique. La commune et le fait communal sont depuis quelques années – avec bien d’autres – les victimes de cette perte de sens du projet de société. La démarche rationaliste, la dictature des ratios, la domination d’une doxa libérale mal assimilée emportent tout. Les récentes lois d’organisation de la République, loin de permettre l’expression riche et féconde de l’initiative de terrain, étouffent la démocratie de proximité et ruinent la plupart des territoires – hormis les grandes métropoles -, découragent élus et citoyens. Ainsi de la démarche intercommunale, naguère expression de la volonté partagée des maires de « faire ensemble », aujourd’hui application bornée de schémas décidés ailleurs à partir de raisonnements « rationnels ». L’uniformité et la grisaille guettent le pays territorial : partout la même organisation, le même schéma, les mêmes acteurs, quelles que soient l’histoire, la géographie, la culture. Et partout la même colère, le même découragement, le même effondrement, la même ruine et la même désolation qui menacent.
C’est ce que les maires de France diront aux candidats le 22 mars. A travers eux, ils le diront aussi au pays tout entier : on ne réussira pas la France sans les communes. Ils le diront ensemble dans leur unité et dans leur diversité géographie, démographique et politique. Ils diront que la commune reste le lieu du lien social, si malmené dans cette période de pauvreté relationnelle aggravée. Ils diront encore que la commune est cette petite République, indispensable à la « grande ». Ils demanderont un Etat moins complexifiant et décourageant, mais plus stratège et accompagnant. Ils demanderont aussi plus de stabilité institutionnelle, financière et normative. Ils diront tout simplement aux candidats : « Faites-nous confiance, laissez-nous libérer l’initiative locale, laissez-nous réussir la France ! ».
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