Fin de la compétence culturelle des collectivités territoriales ? Un non sens !
Je publie ci-après le texte d’un communiqué de la Fédération nationale des collectivités pour la culture (FNCC), dont je suis l’un des vice-présidents. Il porte sur la question essentielle de la clause de compétence générale … Nous en reparlerons très prochainement !
Le projet de loi voté par le Sénat laisse dans une ombre indécise le sort des collectivités quant au maintien de leur autonomie en matière de politique culturelle. Or sur ce champ – l’un des plus sensibles des politiques publiques –, une collectivité territoriale contrainte dans la mise en œuvre de ses projets, tout comme une collectivité piégée par un dialogue entravé avec les autres collectivités sans lesquelles ses choix échouent à atteindre une indispensable cohérence territoriale, perd sa pertinence.
Il s’agit en effet ici du sens – de la direction que prendra l’invention de l’avenir, des mots avec lesquels nous disons et nous dirons à nos proches ou nos lointains ce que nous voulons faire du monde et ce que nous refusons qu’il devienne. Il est ici question des couleurs de demain, des tracés des choses, des contours des valeurs, des volumes des espoirs, des formes de l’existence commune et des expériences singulières. C’est parce qu’il s’agit du sens, parce qu’il s’agit de ce que l’art recèle d’histoire écrite et d’histoire à écrire, parce qu’il s’agit de l’essence même du politique d’être un maître d’œuvre inventif et attentif que la responsabilité culturelle de chaque échelon territorial doit rester entière.
Une assemblée d’élus se doit d’être crédible : crédible parce que souveraine, souveraine parce que pleinement dépositaire de la volonté populaire signifiée au travers d’élections libres. Le suffrage universel marque un choix et un désir. Sa fonction n’est pas de distribuer des tâches sectionnées, morcelées. Il s’adresse et se confie à une maîtrise choisie, pesée, réfléchie – fardeau précieux et lourd donné le temps d’un mandat à qui s’estime capable de s’en saisir, sinon avec assurance du moins avec l’exigence prise envers soi-même et au regard de tous, d’en mesurer l’étendue de responsabilité.
Clause de compétence générale pour l’action culturelle : cette terminologie terne masque la rigueur et l’ampleur des enjeux. A mots voilés, il y est pourtant question de la possibilité d’un usage signifiant de l’engagement politique, lequel ici est également un engagement poétique en ce qu’il porte l’échange sensible et invente les formes à naître de la vie ensemble. Il y est question également du développement de nos territoires, du soutien aux artistes et aux professionnels de ce secteur, comme de tous les secteurs associatifs.
On s’inquiète à raison de l’abstention aux élections locales. Mais comment espérer qu’elle reflue si les assemblées départementales, régionales ou communales sont confinées à des purs choix gestionnaires ? L’avenir appelle la vision. La vision engage un monde : cela ne se gère pas. C’est une offre plénière proposée à tous au partage. Comment, assignée à des tâches morcelées, une collectivité pourrait-elle nourrir des expériences à chaque fois singulières et neuves, comment pourrait-elle assumer des choix responsables face à la nation mais pour autant confiants en la vitalité propre à chaque territoire, comment construire des projets riches d’une histoire à la fois commune et intimement chargée de différences ?
La Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture porte et partage, de manière politiquement plurielle et au nom de l’ensemble des différents échelons de pouvoirs locaux, contiguës, emboîtés et solidaires, l’exigence forte et ouverte du maintien de l’autonomie culturelle des territoires.