Entretien – « Parrainer les candidats, ce n’est pas le rôle des maires »
Philippe Laurent, vice-président de l’Association des maires de France (AMF) et maire UDI de Sceaux, a fait le choix de ne parrainer aucun candidat en vue de l’élection présidentielle. Il explique au JDD pourquoi.
Alors qu’Emmanuel Macron , qui n’a pas encore officialisé sa candidature à l’élection présidentielle , a obtenu jeudi les 500 signatures requises pour se présenter, la route est encore longue pour certains autres candidats. Et pour cause, de nombreux élus refusent de les accorder depuis que le Conseil constitutionnel rend public le nom du candidat parrainé par les maires et les parlementaires. Philippe Laurent, vice-président de l’Association des maires de France (AMF) et maire UDI de Sceaux (Hauts-de-Seine) a pour sa part refuser d’accorder le sien. Il soutient un système de parrainage citoyen plus en adéquation, selon lui, avec le système du suffrage universel.
Vous avez fait le choix de ne pas parrainer de candidat à l’élection présidentielle. Pour quelles raisons?
C’est d’abord pour des raisons de principes. Dans le cadre d’une élection qui a lieu au suffrage universel, je ne comprends plus la logique qui consiste à dire que ce sont les maires, et autres élus, qui ont la capacité de décider que telle ou telle personne soit candidate ou non. Parrainer les candidats, ce n’est pas le rôle des maires. Cette responsabilité n’a d’ailleurs fait l’objet d’aucun débat lors des municipales. Personne ne m’a demandé, à ce moment là, qui je pensais parrainer pour la prochaine élection.
Le système de parrainage actuel vous paraît-il encore adapté?
Emmanuel Macron a annoncé, lui même, qu’il avait ses 500 signatures alors qu’il n’est pas candidat! D’autres, qui le sont officiellement, ne les ont pas ou craignent de ne pas les réunir. Ce sont des opérations de manipulation et c’est aussi pour ça que je ne veux pas donner de parrainage. Ce n’est pas parce qu’aucun candidat ne me plaît, ce n’est pas le sujet. C’est parce que je pense que le système n’est plus adapté. Il est devenu anachronique par rapport au fonctionnement politique.
Vous proposez à la place un système de parrainage citoyen. En quoi cela consiste-t-il?
A faire en sorte qu’un candidat à l’élection présidentielle doive obtenir la signature d’un certain nombre de citoyens électeurs pour pouvoir officiellement se présenter. Le nombre de signatures requises pourrait être discuté. Mais l’on pourrait imaginer partir sur une base de 100.000 ou même de 200.000 signatures. Je précise un point à ce sujet : depuis maintenant deux ans, il existe un répertoire électoral unique. Ce qui signifie que les listes sont désormais gérées au niveau national. C’est un point très important puisque le numéro unique attribué à chaque électeur sur sa carte électorale permettrait de gérer ce système au niveau national sans grande difficulté. Nous ne pouvons pas le mettre en place cette fois-ci car il est trop tard, mais le temps est venu pour la prochaine élection, et il faut s’en occuper dès maintenant, de réviser ce système.
Depuis 2016, le Conseil constitutionnel rend public le nom du candidat parrainé par les maires ou les parlementaires. Le regrettez-vous?
A partir du moment où il n’y a pas de lien entre l’élection du maire et son parrainage, il n’y a pas de raison que celui-ci soit rendu public. Je trouve que cela relève plus du voyeurisme que de la transparence. Il m’apparaît assez clair que pour la plupart des citoyens, donner un parrainage revient à soutenir un candidat. Il est très difficile d’expliquer que l’on parraine dans l’optique que le débat soit le plus ouvert possible et que tout le monde puisse avoir sa chance. C’est un raisonnement extrêmement peu crédible pour les citoyens. Beaucoup de maires de petites communes qui dépendent très fortement du soutient des intercommunalités et des départements se disent qu’ils n’ont que des désillusions à y gagner et préfèrent rester neutre. Au lieu de filtrer, le système fonctionne comme une proclamation de soutien. En tout cas, c’est l’image qu’il renvoie.
Entretien paru dans Le Journal du Dimanche. Disponible à cette adresse : https://www.lejdd.fr/Politique/philippe-laurent-vice-president-de-lamf-parrainer-les-candidats-ce-nest-pas-le-role-des-maires-4091930