Emprunts toxiques : améliorer la transparence et ne pas jeter l’opprobre !
Quel est votre analyse concernant l’exposition des collectivités aux produits toxiques ?
Il faut relativiser l’ampleur réelle du phénomène. Le problème de ces emprunts soi-disant toxiques a été énormément exagéré. Qui plus est, les collectivités qui en ont souscrit s’avèrent plutôt gagnantes sur la durée. Ces produits font davantage courir un risque latent d’explosion des charges financières, qu’un risque avéré. En comparaison, les risques induits par la mise à disposition d’infrastructures publiques, ou par l’occurrence de catastrophes naturelles, sont bien plus importants.
Je ne suis pas non plus d’accord pour trop mettre en cause les banques. En tant que maire de Sceaux, j’ai comme d’autres reçu des propositions de ce type. J’ai fait preuve de bon sens et je les ai déclinées, voilà tout.
Vous vous montrez assez critique vis-à-vis des autres collectivités locales
Je le suis vis-à-vis des quelques collectivités – 5 ou 6, toujours les mêmes- qui ont communiqué massivement sur le sujet ! Ce faisant, elles ont jeté l’opprobre sur les autres collectivités. Les médias, la presse généraliste, qui ne connaissent pas trop ce secteur, ont pensé qu’il y avait un scandale, comme toujours, lorsqu’il est question d’argent public.
Si certaines collectivités considèrent avoir été abusées par les banques, elles ont la possibilité de déclencher un contentieux, ou de négocier de meilleures conditions. Lorsque je suis devenu maire de Sceaux en 2001, je n’ai pas fait de communiqué de presse pour dénoncer la situation des finances ! On prend ce que l’on trouve, voilà tout !
Considérez-vous que la charte de bonne conduite constitue une avancée positive ?
L’Association des maires de France (AMF) a été l’une des premières à signer la charte. Selon nous, elle constitue un rappel des bonnes pratiques, destiné à accroître la transparence. D’autres ont considéré que ce document n’était pas suffisant.
Un projet de circulaire vient préciser les termes de la charte, pensez-vous que ce texte soit de nature à faire évoluer les pratiques et le contrôle des collectivités ?
Une simple circulaire n’est pas opposable aux collectivités locales, qui s’administrent librement dans le cadre de la loi, qui seule, leur est opposable.
En outre, quelle que soit la nature des textes qui seront adoptés sur cette question, l’innovation financière permettra toujours de les contourner. Les pratiques des collectivités en matière de financement ne pourront être contrôlées que par la responsabilisation des élus. L’un des dangers qui pointe dans ce domaine, c’est la tendance actuelle à décentraliser les responsabilités opérationnelles et à centraliser la gestion budgétaire.
Vous pensez à la suppression de la taxe professionnelle, en particulier ?
Le gouvernement a remplacé un impôt qui avait certes beaucoup de défauts, par un impôt et un système de dotation (encadré). C’est peut-être un progrès pour les contribuables. Pour les collectivités locales, et en particulier les départements et les régions, la perte est claire. Pour augmenter sa capacité à rembourser, une collectivité doit pouvoir actionner le levier de la fiscalité. Seules, les grandes communes et les intercommunalités, qui gardent le bénéfice de l’impôt foncier, conservent un pouvoir de taux.
Ce changement de cadre légal représente donc un risque plus important, dans un contexte où l’endettement va croissant.
Et le médiateur des collectivités dans tout cela ?
Son existence est intéressante dans la mesure où un bilan de la situation permettrait d’éclairer les débats. Mais les situations auxquelles les collectivités locales font face sont très différentes du cas des particuliers ou des PME.
Certaines collectivités, ainsi que l’Association des départements de France, ont adressé des reproches à la DGCL, qui n’aurait pas rempli ses obligations de contrôle et d’alerte, quelle est votre opinion ?
Ces critiques sont infondées, car ces missions ne figurent pas dans les attributions de la Direction générale des collectivités locales (DGCL). C’est une administration centrale chargée pour l’essentiel de rédiger des textes qui seront ensuite applicables aux collectivités dans le cadre de la loi ou des décrets d’application de la loi. Elle travaille en collaboration avec les autres ministères mais avec seulement 200 personnes, qui préparent des textes de toute sorte, elle ne peut pas tout faire.
Dans ce cas, quels sont les organes de l’administration publique en charge d’exercer ce contrôle ?
Lorsqu’une collectivité vote un budget, incluant les tableaux de la dette, c’est au préfet et à ses services, seuls compétents sur le plan juridique, d’exercer leur pouvoir de contrôle. Si des anomalies dans la sincérité des comptes sont détectées, ils peuvent réclamer par exemple un meilleur provisionnement des risques. Le tribunal administratif peut également être saisi si le budget contrevenait à la loi en vigueur.
Dans le cas où les services préfectoraux ne posséderaient pas les compétences techniques nécessaires, il est possible de faire appel à la Direction générale des finances publiques (DGFiP), dont les antennes régionales sont placées sous l’autorité du préfet. Enfin, le préfet peut également demander l’avis de la chambre régionale des comptes.
En synthèse, le système en place, s’il est actionné, fonctionne parfaitement. Tout est prévu. Mais les préfets exercent peu cette mission de contrôle car ils manquent de temps et d’effectifs.
Quelles améliorations pourraient-elles être apportées au système de contrôle actuel ?
Lorsque certaines collectivités ont pris ce genre de produits, elles étaient prêtes à payer moins cher pendant quelques années, quitte à voir les frais s’envoler ensuite. Cela peut se comprendre, et s’expliquer.
Ce qui est plus gênant, c’est que ces pratiques ont vu le jour dans la plus grande opacité, notamment vis-à-vis du grand public qui devrait disposer d’un droit de regard sur les finances des collectivités locales. C’est une faille que la charte de bonne conduite tente d’ailleurs de combler.
Pour cette raison, je suis favorable à la certification des comptes des collectivités, qui vienne valider la sincérité de la situation économique de l’entité.
Par contre, je ne soutiens pas la création d’une quelconque autorité de contrôle. Je demeure attaché à la protection de la liberté de gestion des collectivités. Cette liberté induit forcément des erreurs, il est impossible de faire autrement. Mais ce système est préférable à une réglementation forte et contraignante, qui mettrait fin à des montages financiers potentiellement intéressants du point de vue du partage des risques entre public et privé.