COP 22 : les maires en première ligne
La COP 22 vient de débuter à Marrakech. Elle poursuit la démarche engagée par les pays adhérant à la Convention afin de faire face au défi du changement climatique. A quelques mois de l’élection présidentielle française, on peut s’étonner que la défense de l’environnement et la lutte contre le réchauffement climatique ne constitue manifestement pas une priorité de la plupart des candidats. Et pourtant, « la maison continue de brûler », comme le rappelle Laurent Fabius dans le JDD du 6 novembre. On rappellera que l’enjeu n’est pas de « sauver la planète », comme on le dit trop souvent, mais de « sauver l’humanité », ce qui n’est pas la même chose : réchauffement ou pas, la planète, elle, a toutes les chances de continuer à exister. Ce qui n’est pas le cas de l’homme sur la planète !
Pour autant, le sujet mobilise activement les collectivités territoriales, preuve supplémentaire que l’intérêt général est désormais mieux pris en compte par les décideurs locaux que par le gouvernement central. Les maires ont bien compris qu’ils avaient une responsabilité majeure qui se traduit par des compétences environnementales spécifiques, et ils l’assument pleinement. Et c’est aussi leur capacité à agir sur les comportements des citoyens, grâce à leur proximité, qui fait d’eux des acteurs essentiels de ce combat pour l’humanité.
Si les villes concentrent la grande majorité des dépenses énergétiques mondiales, elles portent également en elles des solutions innovantes pour lutter contre le changement climatique et agir en faveur du développement durable. La responsabilisation des maires en matière environnementale va d’ailleurs grandissante. La loi Maptam de 2014 est d’abord venue étendre la compétence des communes en matière de véhicules électriques et hybrides rechargeables et de réduction de la congestion urbaine et des pollutions et nuisances affectant l’environnement. De même, la contribution à la transition énergétique est désormais une obligation pour les communautés urbaines depuis la loi Transition énergétique de 2015.
Les collectivités territoriales s’engagent pleinement dans ce rôle qui leur est dévolu. La ville de Saint-Etienne a ainsi récemment lancé un plan d’actions consistant à intervenir sur la rénovation de l’habitat pour le rendre plus performant sur le plan énergétique, et ainsi réduire les factures d’énergie des habitants des quartiers les plus populaires qui en ont le plus besoin. A Limoges, les jardins publics sont conçus de sorte à produire un son agréable dès que le vent souffle et ainsi couvrir la pollution sonore urbaine. Paris s’est par ailleurs lancée dans une campagne pour faire de la capitale française une ville « zéro déchet » d’ici 2020. Et de très nombreuses communes plus petites, même très petites, développent des démarches innovantes et pragmatiques, faisant le plus souvent appel à l’engagement citoyen qui est de plus en plus affirmé.
Cette vision que développent les maires partout en France répond à un impératif : celui d’agir localement pour résoudre des problèmes qui nous concernent tous à l’échelle mondiale, et faciliter une prise de conscience citoyenne en la matière. Ils sont ainsi prescripteurs du comportement des habitants en matière d’économie d’énergie, de mobilité durable et développent pour leurs villes des politiques soucieuses de l’environnement et du cadre de vie. Ce pouvoir prescripteur s’exerce autant au sein des établissements scolaires par l’éducation que via des actions locales concrètes et pérennes. Les maires sont aussi là pour encourager les initiatives collectives, souvent associatives.
Le mandat environnemental des maires recouvre également les actions communales entreprises en matière d’économie circulaire. De nombreuses initiatives innovantes sont ainsi prises par des maires à travers le monde pour réduire la consommation des ressources et les rejets dans l’environnement, comme l’a montré le documentaire Demain (2015). La ville de San Francisco, qui recycle 80% et qui vise le « zéro déchet » dès 2020, en est l’un des exemples les plus significatifs.
Il est indéniable que ces politiques locales ont davantage de force que d’hypothétiques solutions universelles. Mais la marge de manœuvre budgétaire dont bénéficient les communes pour exercer leurs compétences environnementales n’est pas toujours suffisante pour mener à bien ces actions.
Malgré cela, l’impulsion étatique est un prérequis indispensable pour ne pas laisser à la charge des maires une responsabilité véritablement commune. Quelques candidats aux primaires et à l’élection présidentielle rejoignent ainsi l’élan des élus locaux. Nathalie Kosciusko-Morizet défend la nécessité d’une nouvelle politique environnementale « par objectif », une culture qui bousculerait « des dizaines d’années de fonctionnement de l’administration ». Jean-Luc Mélenchon entend pour sa part inscrire dans la Constitution la « règle verte », consistant en une « obligation de ne pas prélever davantage que notre planète ne peut régénérer ». Mais ils restent encore isolés …
Pour construire, ensemble, un modèle sociétal équilibré favorable à la préservation de l’espèce humaine sur terre, les maires peuvent donc capitaliser sur la proximité et la diversité des actions locales d’information, de sensibilisation, d’éducation, d’accompagnement, auprès des enfants, des familles, et de chacun de leurs concitoyens. Au-delà de la mise en valeur du territoire, de la compétitivité urbaine et de l’économie circulaire, notre priorité doit être d’ancrer cette conscience environnementale pour qu’elle devienne un principe d’action pour tous, en toutes circonstances.
Il s’agit là d’une exigence absolue. Les élus locaux, eux, l’ont bien compris.