Climat : «C’est maintenant que nous avons besoin de cet argent»

Je suis signataire de cette tribune :

« L’avenir du Green Deal se joue dans les négociations cruciales entre parlementaires européens et chefs d’Etat et de gouvernement autour du budget à long terme de l’UE »

Le succès ou l’échec du Green Deal et, partant, de la lutte contre le dérèglement climatique se joue, en grande partie, maintenant.

Les chefs d’Etat et de gouvernement, réunis en Conseil ces 10 et 11 décembre, doivent donner à l’Union européenne un nouvel objectif de réduction d’émissions de gaz à effet de serre pour 2030 (la Commission a proposé – 55 %). Mais où sont les moyens ?

En acceptant d’emprunter en commun 390 milliards d’euros pour un plan de relance européen, nos dirigeants ont franchi en juillet un cap historique. Ce plan, Next Generation EU, s’échelonnera sur 3 ans (2021-2023). Les modalités de son remboursement, qui débutera en 2028 et courra sur trente ans, sont d’ores et déjà en discussion.

Lors des négociations sur le prochain budget à long terme de l’Union, le « cadre financier pluriannuel 2021-2027 », les eurodéputés ont pu obtenir de la présidence allemande du Conseil que l’emprunt de Next Generation EU (capital et intérêts) soit remboursé par l’introduction de futures ressources propres, c’est-à-dire par une fiscalité communautaire. La contribution des Etats membres ne devrait donc pas être revue à la hausse, et les budgets européens ne devraient pas être amputés à compter de 2028.

Un plan de financement jusqu’en 2028

Ses nouveaux prélèvements communautaires incluent notamment une taxe sur les plastiques non recyclés, effective au 1er janvier 2021, une taxe sur les géants du numérique et un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’Europe, prévus pour 2023. Mais aucun d’eux n’a le potentiel d’une taxe sur les transactions financières, dont le principe figure également dans l’accord du 10 novembre entre Parlement et présidence allemande. Elle commencerait à s’appliquer en 2026.

Taxer les transactions financières n’est pas une proposition nouvelle. La Commission Barroso l’avait même formalisée dans une directive en 2011, après avoir mené une étude d’impact. Tout est prêt, donc, pour qu’elle soit mise en œuvre avant 2026, dès 2023 ou, au plus tard, en 2024.

Cette taxe, telle que définie à l’époque (0,1 % pour les actions, 0,01 % pour les obligations et les produits dérivés), en plus de freiner la spéculation en privilégiant l’investissement, rapporterait 50 milliards à l’Union chaque année. 50 milliards que l’on pourrait consacrer exclusivement au climat, à l’emploi et à la santé jusqu’en 2028.

Un enjeu fondamental pour le climat

A tout ce qui nous aiderait à sortir par le haut de la crise sanitaire, économique et sociale qui nous frappe. Lorsque l’Europe commencera à rembourser sa dette, en 2028, à hauteur de 15 milliards par an, il restera 35 milliards pour soutenir le modèle de développement, écologique et social, dont nous aurions posé les fondations.

Début octobre, le Parlement européen, gauche et droite confondues, s’est prononcé, à une très large majorité (70 %), en faveur d’une taxe financière définie sur cette base. Mais certains chefs d’Etat et de gouvernement s’y opposent ou, comme la France, défendent une assiette moins large. Faudra-t-il attendre encore sept ans et le cadre financier pluriannuel (2028-2034) pour que l’occasion d’accroître le budget de l’Union européenne grâce à une telle ressource se représente ?

Une éternité, lorsqu’on sait l’importance capitale de cette décennie dans la lutte contre le dérèglement climatique. C’est maintenant que nous avons besoin de cet argent. Ce qui se joue là n’est ni plus ni moins que notre capacité à atteindre les objectifs environnementaux – existentiels – que l’on n’a cessé de se fixer, sans jamais s’être donné les moyens de les réaliser.

Un moment de vérité

Depuis 2015, pour soutenir la croissance, lutter contre le spectre de la déflation et maintenir des conditions d’emprunt acceptables pour les Etats, la Banque centrale européenne a injecté et continue d’injecter massivement des liquidités, qui, pour l’essentiel, alimentent l’inflation du prix des actifs sur les marchés financiers. Il est grand temps de mettre à contribution une fraction très modeste de ces échanges.

C’est pourquoi nous appelons, avec la plus grande gravité, tous les citoyens et tous les élus locaux, en France et en Europe, à faire entendre leur voix et à réclamer l’adoption d’une vraie taxe sur les transactions financières au plus vite. Et nous demandons à nos chefs d’Etat et de gouvernement de les écouter. C’est un moment de vérité.

Les signataires de la tribune : Gilles Berhault, délégué général de la Fondation des transitions ; Christophe Bouillon, président de l’Association des petites villes de France et maire de Barentin (Seine-Maritime) ; Lucas Chabalier, responsable plaidoyer d’Agir pour le climat/Pacte Finance-Climat ; Christian Couturier, président de l’association NégaWatt ; Nicolas Dufrêne, directeur de l’Institut Rousseau ; Txetx Etcheverry, militant climat, cofondateur de Bizi et d’Alternatiba ; Nicolas Girod, porte-parole national de la Confédération paysanne ; Jean Jouzel, climatologue ; Philippe Laurent, secrétaire général de l’Association des maires de France, président de l’Association française du conseil des communes et régions d’Europe et maire de Sceaux ; Sabine Rosset, directrice de Bloom ; Arnaud Schwartz, président de France Nature Environnement ; Cédric Szabo, directeur de l’Association des maires ruraux de France ; Aurélie Trouvé, porte-parole d’Attac.

https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/12/10/climat-c-est-maintenant-que-nous-avons-besoin-de-cet-argent_6062842_3232.html

Cette tribune est ouverte à signature sur change.org à cette adresse : Pour la mise en place d’une TTF pour financer la transition écologique !